Ils sont âgés de 24 à 27 ans, sont nés en Alsace, et seront jugés jusqu'au 7 juin par le tribunal correctionnel de Paris pour association de malfaiteurs en vue de commettre des actes de terrorisme, un délit passible d'une peine pouvant aller jusqu'à dix ans de prison.
Interpellés et incarcérés en mai 2014, leurs détentions n'ont pas toujours été sans incidents. Cinq ont été sanctionnés pour avoir détenu, en prison, des téléphones portables ou une puce téléphonique.
Fin 2013, onze jeunes hommes habitant Strasbourg ou sa proche banlieue décident de rejoindre la Syrie - l'un d'eux sera retenu in extremis par sa famille, selon une source proche du dossier.
Le voyage, préparé en partie dans un bar à chicha à Kehl, ville allemande voisine, s'organise avec l'aide d'un recruteur bien connu des services de renseignement, Mourad Farès.
Comme souvent dans les parcours jihadistes, le projet prend forme autour de fratries.
Il y en a trois parmi ceux qui partent en décembre 2013, via l'Allemagne et la Turquie, en plusieurs voyages pour ne pas trop attirer l'attention: Mourad et Yacine Boudjellal; Mohamed et Ali Hattay; et Karim et Foued Mohamed-Aggad.
Les frères Boudjellal meurent en Syrie peu après leur arrivée. Les autres hommes décident de rentrer après un séjour allant de deux à trois mois, avant la proclamation officielle du "califat" du groupe Etat islamique en juin 2014.
Tous rentrent sauf Foued Mohamed-Aggad qui, à croire le récit de l'un des prévenus, reste en Syrie et "part dans son délire". Il a été identifié comme l'un des assaillants qui ont fait 90 morts le 13 novembre au Bataclan.
- 'Ce n'est pas le club Dorothée'-
Après leur arrestation, les "Strasbourgeois" revenus en France livrent aux enquêteurs plusieurs variantes du même récit: partis "faire de l'humanitaire", ils ont été bernés, "pris au piège" par des "fous sanguinaires".
Plusieurs fois déplacés, plus ou moins lâchés par Mourad Farès qui semble alors en délicatesse avec certains meneurs jihadistes sur place, les jeunes gens disent avoir suivi des "entraînements", surtout sportifs.
Certains nient avoir touché une arme, se contentant de "faire la cuisine" et le "ménage", ou d'"acheter des bonbons aux enfants".
D'autres admettent avoir tiré à la kalachnikov, mais seulement pour s'entraîner, et pas plus de deux coups.
Cette version du périple à visée "humanitaire" est toutefois mise à mal par des photographies qui montrent certains des Strasbourgeois porteurs de treillis et d'armes.
Karim Mohamed-Aggad par exemple apparaît sur des clichés, souriant et brandissant une kalachnikov - "pas chargée", selon lui - ou un couteau - qui "ne coupait pas du tout", a-t-il dit aux enquêteurs.
Cette mise en scène, le frère du kamikaze du Bataclan assure qu'il s'y est plié sous la contrainte - "ce n'est pas le club Dorothée là-bas", assure-t-il lors d'une audition pour décrire le climat de suspicion et de menace régnant dans les rangs des jihadistes en Syrie.
Au-delà des photographies, la motivation "humanitaire" bute sur un autre élément, fraîchement apparu dans le dossier.
Les noms des sept Strasbourgeois figurent en effet dans des fichiers attribués au groupe État islamique, que le parquet compte évoquer au tribunal, a appris l'AFP de sources proches de l'enquête.
La démarche est critiquée par l'un des avocats de la défense. "Soit ces éléments sont retirés, soit il faudra un report pour étudier les pièces", dit Me Eric Plouvier.
Mettant en doute l'authenticité de ces "Daech Leaks" révélés en mars par la chaîne Sky News, l'avocat a par ailleurs porté plainte au nom de son client Miloud Maalmi pour faux et usage de faux.
Sur ces formulaires en arabe figurent plusieurs catégories: l'état-civil, la profession, le groupe sanguin, la pratique religieuse, etc.
Une ligne propose trois options: "combattant", "martyr" ou "Inghimasi" - celui qui combat ceinturé d'explosifs, qu'il actionne en dernier recours.
Sur ces fichiers, les Strasbourgeois sont désignés comme étant des "combattants".
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