Appelés "Sittuyin", les échecs birmans ont leurs spécificités: les pions sont souvent représentés par des démons pour un camp, et par des singes pour l'autre.
La dame est remplacée par un général, ironie involontaire dans ce pays ayant subi des décennies de junte militaire, et aujourd'hui dirigé par Aung San Suu Kyi, dite "la Dame de Rangoun".
Autre différence par rapport aux échecs classiques, des éléphants sont lâchés sur le plateau et le placement de départ des pièces est libre, élargissant les possibilités tactiques du jeu, qui symbolise une bataille du bien contre le mal.
"Le jeu peut donner l'impression que vous menez une guerre", explique Thein Zaw, quintuple champion de Birmanie, avant une partie lors d'un récent concours à Rangoun.
L'affrontement est dès le début très engagé et rapidement les pièces s'accumulent des deux côtés du plateau. La concentration des joueurs est maximale et quasiment aucune parole n'est échangée.
Ce jeu oublié est aujourd'hui redécouvert en Birmanie, grâce à une centaine de joueurs qui participent activement aux tournois.
"C'est un jeu ancien et nous aimerions lui offrir une deuxième vie", affirme Thein Zaw, devant ses pièces sculptées à la main, des singes et des ogres rappelant les premiers jeux d'échecs de l'Inde voisine.
D'après les experts, la version birmane des échecs pourrait avoir plus d'un millier d'années.
"La diversité est une richesse. Si ces jeux peuvent être conservés, ils doivent l'être", estime Jean-Louis Cazaux, spécialiste de l'histoire des échecs.
Pour la beauté du jeu, mais aussi pour leur histoire qui rappelle l'époque où les rois birmans utilisaient des éléphants lors de leurs batailles, raconte ce dernier. En birman, "Sitt", que l'on trouve dans le nom des échecs birmans, "Sittuyin", signifie guerre.
- Esprit guerrier -
"Les rois birmans se sont battus sur les lignes de front de toutes les guerres. Donc, le résultat du jeu dépend directement de l'activité du roi", estime Win Aung, vice-président de la Fédération birmane des échecs.
Il y a quelques dizaines d'années encore, les parties étaient imprégnées de cet esprit guerrier.
"Quand mon père et grand-père jouaient, cela se faisait comme ça", raconte Win Aung, en faisant claquer violemment un pion sur le plateau. "Nous avions peur!", se souvient-il.
Les jeux anciens sont rares en Birmanie, où cinq décennies de régime militaire brutal ont longtemps asséché la vie culturelle. Petit à petit, pris à la gorge financièrement dans un pays à la dérive sur le plan économique, les Birmans ont vendu ces échiquiers si singuliers.
"Les étrangers aiment acheter les anciennes pièces d'échecs quand ils viennent ici. La Birmanie les a vendues aux touristes comme des œuvres d'art anciennes. Maintenant, ils ont presque tous disparus", regrette Win Aung.
Comme les nouveaux modèles coûtent environ 300 dollars - bien au-dessus des moyens de la grande majorité des Birmans - les groupes d'échecs cherchent à se regrouper pour en racheter.
Il existe aussi maintenant sur le marché une version en plastique, et un livret de règles a été de nouveau publié, en anglais et en birman.
Et les plus jeunes peuvent aussi jouer sur leurs smartphones - de plus en plus abordables après des années de restriction. Depuis son lancement en 2013, l'application a été téléchargée plus de 200.000 fois.
D'après Sai Pyae Phyo Han, de la firme Total Game Play, les joueurs sont fans des différents rôles hauts en couleurs du jeu que les joueurs peuvent endosser. Ils aiment passer "d'une "armée classique à l'armée thaïlandaise puis à l'armée d'ogres".
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