"J'ai la flemme de prendre des décisions tout seul et j'ai peur de changer d'équipe de soignants", explique le jeune garçon, atteint d'un syndrome néphrotique depuis son plus jeune âge et d'insuffisance rénale depuis deux ans.
Comment en effet sortir du cocon d'un service pédiatrique, où tout est organisé, planifié par les personnels et des parents surinvestis, pour s'aventurer dans les couloirs austères d'un service pour adultes, où l'autonomie est de mise ?
Elaboré depuis plus de deux ans, le projet Transition adolescents-jeunes adultes de Necker s'adresse aux 4.000 patients de 13 à 25 ans que l'établissement reçoit chaque année et qui, comme Jonathan, sont atteints d'une pathologie rare ou chronique.
Le projet, qui sera exposé en fin de semaine à l'occasion des portes ouvertes de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, propose à la fois une plateforme de "ressources communes" pour favoriser la coopération entre les services pédiatriques et adultes et un lieu dédié aux jeunes, expliquent ses deux coordinateurs, le pédiatre Nizar Mahlaoui et l'assistante sociale Béatrice Langellier-Bellevue.
"Si la transition n'est pas une nouveauté en soi", l'ambition portée par Necker, où "la moitié des 8.000 maladies rares connues" sont traitées, est inédite, selon le dr Mahlaoui. Un budget de 800.000 euros sur trois ans lui est consacré, financé notamment par la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France.
Objectif ? Favoriser la poursuite du traitement et l'autonomie, à un âge ou les décrochages sont fréquents.
Souvent, les jeunes atteints de "malformations osseuses constitutionnelles", par exemple, désertent l'hôpital "avant même d'avoir été transférés parce que les parents, fatigués, vont oublier de reprendre des rendez-vous", que l'enfant a moins mal, qu'il a d'autres préoccupations. "Et on les retrouve 10 ans plus tard avec des répercussions importantes", explique-t-elle.
- 'Restaurer l'image de soi' -
Aussi, "les jeunes et leur entourage ne se sont pas nécessairement projetés au-delà de 18-20 ans", en raison de la gravité de la maladie, alors que "les progrès médicaux ont fait un bond en avant considérable dans les vingt dernières années", poursuit le dr Mahlaoui.
Les "médecins adultes" peuvent quant à eux se retrouver démunis face à "toutes ces maladies orphelines qu'ils n'ont pas apprises au cours de leur formation parce qu'on leur a dit +vous n'en verrez jamais+".
Les jeunes pourront par ailleurs profiter, à partir de septembre, d'un espace de 180 m2 symboliquement situé entre les parties pédiatrique et adulte de Necker. Les nombreux patients qui n'habitent pas en Ile-de-France pourront également utiliser une application pour recevoir des alertes sur leur traitement ou leur rendez-vous, par exemple.
L'idée "c'est de traiter les problématiques adolescentes quand elles rencontrent la maladie" et d'aider à "restaurer l'image de soi", explique Mme Langellier-Bellevue. "Puis-je tomber amoureux, est-ce que je vais transmettre ma maladie à mes enfants, vais-je pouvoir travailler" sont autant de questions qui inquiètent les jeunes patients.
Des groupes de parole avec leurs pairs, mais aussi des consultations individuelles de gynécologie, de dermatologie, une aide pour les projets d'insertion professionnelle, des ateliers de remise en forme, ou encore des séances de massage ou d'épilation seront proposées.
Celles de "conseil en image" intéressent tout particulièrement Jonathan, que Zoé, 14 ans, taquine alors qu'il "prend la pose" pour le photographe de l'AFP.
"J'ai perdu 57 kilos" explique le garçon au visage poupin, autrefois en surpoids en raison de son traitement. "Le regard des filles est très différent, je ne sais pas gérer".
S'il dit envisager une carrière dans le cinéma, le jeune homme, qui s'apprête à passer le bac malgré ses quatre dialyses par semaine, reste flou sur les choix qu'il a formulés pour la suite de ses études. "Je n'avais pas trop la tête à cela", concède-t-il, alors qu'il attend une greffe de rein.
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