Bien que Berlin ait évoqué la possibilité d'une levée "graduelle" des sanctions et que le Premier ministre grec Alexis Tsipras ait une nouvelle fois critiqué leur "cercle vicieux" avant de recevoir Vladimir Poutine, Bruxelles et Moscou ne cachent pas s'attendre à leur renouvellement, qui serait logiquement suivi d'une réaction russe.
"J'ai ordonné que soient préparées des propositions en vue d'une prolongation des mesures de rétorsion non pas pour un an mais jusqu'à la fin 2017", a déclaré le Premier ministre russe Dmitri Medvedev, cité par les agences russes.
Ces "mesures de rétorsion" interdisent depuis août 2014 l'importation de la plupart des produits alimentaires des pays occidentaux, principalement de l'UE, qui sanctionnent la Russie pour l'annexion de la Crimée et son soutien aux séparatistes de l'Est de l'Ukraine.
Prolongé une première fois pour un an l'été dernier, cet embargo expire au mois d'août et n'a rien arrangé à la crise agricole qui frappe l'UE. Un rapport interne du gouvernement russe, révélé récemment par l'agence TASS, évalue à 9,3 milliards d'euros les pertes pour les pays visés par l'embargo.
Sa prolongation pour un an et demi d'un coup doit aider le secteur agricole russe, qui craint un brusque retour de la concurrence européenne, à bénéficier "d'un horizon plus lointain pour planifier ses investissements", selon M. Medvedev.
Le ministre de l'Agriculture Alexandre Tkatchev a confirmé que le décret en ce sens était déjà en cours de préparation.
Cet avertissement intervient alors que les pays de l'Union européenne doivent discuter en juin d'une éventuelle prolongation de leurs sanctions contre Moscou, qui touchent les banques, les secteurs de la défense et de l'énergie et expirent en juillet. Jusqu'à présent ces mesures ont été reconduites tous les six mois.
La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a déclaré la semaine dernière qu'elle s'attendait à une nouvelle prolongation.
Bruxelles lie la levée des sanctions à l'application des accords de Minsk de février 2015, signés entre l'Ukraine et la Russie avec médiation française et allemande, visant à ramener la paix dans l'Est de l'Ukraine où le conflit a fait près de 9.300 morts en deux ans.
Même si les combats ont perdu en intensité, les négociations achoppent notamment sur la question de la tenue d'élections locales dans la zone contrôlée par les rebelles prorusses.
A Tallinn vendredi, le chef de la diplomatie allemande Frank-Walter Steinmeier a dit espérer des progrès d'ici fin juin, qui permettraient de "réduire graduellement les sanctions". Cette semaine, il avait reconnu "une résistance" dans l'UE quant à une prolongation et qu'il serait "plus difficile que l'année dernière de trouver une position commune".
- Scepticisme -
Un vote unanime est nécessaire pour reconduire les sanctions. Si les pays baltes ou la Pologne, inquiets de la crise ukrainienne, poussent dans cette direction, certains pays se montrent plus sceptiques.
Solidaire pour l'instant de la position de Bruxelles, le Premier ministre grec Alexis Tsipras s'est de nouveau élevé vendredi, avant de recevoir Vladimir Poutine, contre le "cercle vicieux" des sanctions, de la militarisation et de la rhétorique remontant à la Guerre froide, dans une interview à l'agence russe Ria Novosti.
Malgré ces divisions apparentes, le ministre de l'Economie Alexeï Oulioukaïev a jugé cette semaine "la probabilité d'une levée des sanctions est plus faible que celle d'un maintien".
Les sanctions occidentales, auxquelles s'est ajouté l'effondrement des prix des hydrocarbures, ont plongé la Russie dans sa plus longue récession depuis l'arrivée au Kremlin de Vladimir Poutine en 2000. L'embargo alimentaire a provoqué de son côté une flambée des prix en Russie.
A long terme, les autorités russes espèrent toutefois que l'embargo favorisera le développement du secteur agricole national à qui elles versent d'importantes subventions. Mais les représentants du secteur s'inquiètent du manque de visibilité vu le caractère géopolitique de l'embargo.
En cas de levée de l'embargo, les producteurs de fromages "ne seront pas compétitifs", a prévenu cette semaine le président de l'Union russe des producteurs laitiers, Andreï Danilenko.
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