"Excusez-moi mais pouvez-vous me dire comment on fait pour partir de là ?", demande Turbine, une jeune Camerounaise secourue mardi au large de la Libye, alors que l'Aquarius s'approche lentement du port de Cagliari, dans le sud de l'île.
Depuis cet hiver, l'Italie a mis en place quatre "hotspots", des centres d'accueil et d'identification, par lesquels tous les nouveaux arrivants sont censés passer pour permettre aux autorités de commencer à distinguer réfugiés et migrants économiques.
Mais la capacité de ces centres -- situés sur l'île de Lampedusa, en Sicile et dans les Pouilles -- n'est pas extensible. Il suffit d'une vague d'arrivées plus forte pour que le système déborde... jusqu'à Cagliari.
Après la traversée dantesque du Sahara, les violences subies en Libye et près de trois jours en mer, les femmes chantent et dansent leur joie sur le navire affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF).
Mais tous se posent des questions sur cette île dont ils n'avaient jamais entendu parler et qui a été désignée par les autorités italiennes au capitaine de l'Aquarius le soir de leur sauvetage.
"L'idée de rester sur une île leur fait peur, ils ont l'impression d'être enfermés par la mer", explique à l'AFP la préfète de Cagliari, Giuliana Perrotta. Il faut dire que les documents que les autorités remettent aux demandeurs d'asile ne leur permettent pas de monter sur les ferries.
Après un examen médical sommaire et une rapide procédure d'identification, les anciens hôtes de l'Aquarius doivent être répartis dans certains des 87 centres d'accueil qui accueillent déjà plus de 2.700 demandeurs d'asile à travers l'île.
- Habitants mobilisés -
Ceux qui prévoyaient de poursuivre leur route vers l'Europe du Nord risquent en fait de venir bientôt grossir les rangs des précédents arrivés qui campent sur le front de mer à Cagliari en cherchant un moyen de gagner le continent. Ces dernières années, la ville a même connu plusieurs manifestations d’Érythréens réclamant de quitter l'île.
"Je n'ai plus de famille, j'ai perdu ma mère, je veux aller là où sont mes frères en Allemagne", explique Mohammed, un Somalien de 17 ans recueilli par l'Aquarius, qui n'envisage pas une minute de rester en Sardaigne.
L'arrivée sur l'île représente aussi un défi supplémentaire pour ceux qui ont été séparés pendant la traversée.
Liliane, une Camerounaise de 28 ans, a vu sa soeur s'envoler par hélicoptère lors de l'évacuation en urgence de l'enfant de cette dernière, arrivé sur l'Aquarius dans un état critique. L'enfant et sa mère se remettent dans un hôpital de Catane, en Sicile, loin de la Sardaigne...
Plus compliqué: un homme explique que sa femme est partie de Libye en même temps que lui, mais sur un autre canot. Ce jour-là, les gardes-côtes italiens ont coordonné les secours autour de 23 embarcations. Comment savoir où est son épouse ?
Il aurait pu recevoir l'aide de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et du Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), qui assistent les migrants à leur arrivée en Italie... mais qui n'ont pas de représentant en Sardaigne.
Pourtant, l'île ouvre ses bras: "Il y a une grande collaboration dans l'accueil, malgré les conditions économiques difficiles de la population locale", où le taux de chômage avoisine les 17%, assure Mme Perrotta.
Alors que le nord de l'Italie, bien plus prospère, assure n'avoir plus de place pour les migrants, les Sardes se distinguent. L'année dernière, les habitants de Carbonia, à l'intérieur des terres, s'était ainsi tellement mobilisés que la commune avait dû lancer un appel à cesser les dons, faute de place pour stocker les montagnes de vêtements et produits de première nécessité.
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