"Je suis arrivé avec mes oncles et mon frère hier soir, on n'avait pas de tentes alors on a dormi dehors", explique Ihsan, 16 ans, qu'un périple de quatre mois depuis l'Afghanistan a conduit jusqu'à ce parc du nord de la capitale.
En ce début de matinée, il attend, avec son jeune frère, d'être conduit par des membres d'associations jusqu'à un centre pour adolescents étrangers. Poursuivre sa route? Il fait la moue. "Je veux rester ici", dit-il.
Son oncle Hubeen, lui, a d'autres projets: gagner la Grande-Bretagne pour rejoindre sa femme et son fils de huit mois, dont il montre une photo sur son téléphone -- "il est beau, hein? Je ne l'ai encore jamais vu".
"Sois prudent", lui lance une salariée de France Terre d'asile, "passe par les voies légales, ne saute pas dans un train en marche à Calais".
Chaque jour, des salariés d'Emmaüs solidarité souvent accompagnés de France Terre d'asile mènent une "maraude migrants" pour repérer les plus vulnérables (femmes, enfants), les signaler à la municipalité ou aux structures adaptées et amorcer une solution d'accueil.
Evacué une première fois début mai, le campement s'est très vite reconstitué, dans le sillage du démantèlement de celui sous le métro aérien de Stalingrad où 1.600 personnes avaient été prises en charge -- un record.
"Il doit y avoir 500 personnes aujourd'hui", estime jeudi Aurélie El Hassak-Marzorati, directrice générale adjointe d'Emmaüs solidarité. A la préfecture de région, on parle plutôt de 300 migrants, dans ce lieu "historique" puisqu'un campement s'y était déjà brièvement constitué dès juin 2015.
- "Un hébergement se prépare" -
Pour Matthieu Mirta, d'Emmaüs, la raison de cette inflation est évidente: "2.500 personnes sont arrivées en Italie la semaine dernière".
Sur l'esplanade de ces jardins aménagés près de la voie ferrée, les tentes s'alignent en rangs serrés: coin des Afghans, des Soudanais, et quelques Somaliens au fond. Des hommes discutent sur des bancs. Une file s'allonge devant les trois toilettes récemment installées à l'entrée du campement.
Au passage des associatifs, l'un vient demander une cigarette, l'autre se faire expliquer comment se rendre au métro Madeleine. Il est encore tôt et des riverains distribuent un petit-déjeuner, à partir d'invendus récupérés dans les commerces du quartier: pain et confiture au menu. "J'ai fait plein de thé et de café", explique Delphine, une voisine venue avec des thermos géantes, qui assure: "on reste nombreux à vouloir aider".
Ce jeudi matin, ce sont trois petits Afghans de neuf à onze ans, tout juste arrivés avec leurs frères adultes, qui préoccupent les associations. Ils pourraient prétendre à une prise en charge immédiate mais devraient pour cela se séparer de leurs aînés, et refusent.
Une femme enceinte de quatre mois sera, elle, hébergée par Emmaüs. Une autre, proche du terme, avait été emmenée à l'hôpital deux jours auparavant.
Plus de 20 campements ont été démantelés à Paris depuis un an. A chaque fois, un autre s'est reconstitué. Ce qui fait soupirer Aurélie El Hassak-Marzorati. "Dans ce pays, on devrait pouvoir débloquer des places pour permettre à ces personnes d'accéder à un logement", estime-t-elle. Car "à partir du moment où ces gens sont là, il faut se poser la question de comment on les accueille pour ne pas avoir de situation explosive demain".
Pour empêcher l'enkystement, elle plaide pour une action rapide via un accueil de jour.
A la préfecture, on rappelle que 9.000 personnes ont été "mises à l'abri" depuis un an et qu'"un hébergement se prépare", avec toute une logistique. "On aimerait aller plus vite, mais il y a des difficultés", souligne le préfet d'Ile-de-France Jean-François Carenco. "Les associations les connaissent."
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