Alors que la contestation du projet de loi El Khomri s'est durcie cette semaine, seize salariés d'Air France au total sont convoqués devant le tribunal correctionnel: cinq pour "violences en réunion", qui encourent jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende, et onze pour "dégradations" lors de la manifestation du 5 octobre qui faisait suite à l'annonce d'une restructuration de la compagnie aérienne menaçant près de 3.000 emplois.
Après avoir forcé le portail d'entrée, une cohorte de mécontents avaient envahi le comité central d'entreprise au siège d'Air France, sur le site de l'aéroport parisien de Roissy. Certains s'en étaient pris physiquement à deux responsables de la société et aux vigiles qui avaient tenté de les protéger.
Sous les cris de "à poil, à poil" et "démission", le directeur des ressources humaines Xavier Broseta s'était retrouvé torse nu, chemise en lambeaux. Il était parvenu à s'échapper en escaladant un grillage. En tout, sept personnes avaient été molestées, dont le responsable de l'activité long courrier Pierre Plissonnier, qui sera également présent à l'audience.
"Inacceptable", "scandaleux", "irresponsable" : les images de la chemise arrachée avaient fait le tour du monde et donné lieu à un concert d'indignations politiques. Surtout, elles avaient conforté la mauvaise réputation de la France en matière de dialogue social aux yeux des observateurs étrangers.
En retour, la déclaration du Premier ministre Manuel Valls qualifiant de "voyous" les fauteurs de troubles avait choqué une partie du monde salarié et suscité un débat sur la légitimité du recours à la violence physique face à la "violence" d'un plan social.
- Salariés contre salariés -
Qui a arraché la chemise du DRH? Est-ce un ou plusieurs salariés? Ou un vigile qui a tenté de l'exfiltrer? Ces questions sont au coeur du procès qui oppose des salariés d'une même entreprise.
"On parle beaucoup des prévenus, des centaines de personnes viendront les soutenir, mais combien pour soutenir mon client, qui est aussi un salarié? Aucune", déplore Fanny Colin, qui défend le responsable de la sécurité incendie, "agressé" alors qu'il "tentait d'endiguer le flot des manifestants". "Il ne peut pas entendre qu'on ait voulu prendre la défense des salariés en s'attaquant à un autre salarié qui était là pour la protection de tous", ajoute-t-elle, assurant qu'on "sous-estime la violence qu'il y a eu: en 19 ans d'exercice, mon client n'avait jamais vu un tel déchaînement de violence et de haine".
Devant le tribunal, une large intersyndicale rassemblant des syndicats de pilotes, d'hôtesses et stewards ainsi que de personnels au sol appelle à se rassembler dès le début de l'audience à 09H00. Un "gros dispositif" policier est prévu autour du palais de justice de Bobigny dont le parvis doit rester inaccessible aux manifestants, a-t-on dit à l'AFP de source policière.
Les syndicats CGT, FO ainsi que SUD-aérien et Alter appellent également à cesser le travail à Air France vendredi mais, selon des sources aéroportuaires, le mouvement devrait être peu suivi.
L'intersyndicale revendique "l'arrêt des poursuites judiciaires", le "retrait des procédures de sanction à l'encontre des salariés Sol et Pilotes" et "la réintégration des quatre collègues licenciés". Quant au cinquième salarié mis à pied, elle demande que le gouvernement valide l'avis de l'inspectrice du travail annulant son licenciement. La ministre du Travail Myriam El Khomri doit se prononcer d'ici le 3 juin sur le cas de ce délégué du personnel CGT qui a été réintégré.
Le procès et le rassemblement interviennent alors que la CGT a durci sa confrontation avec le pouvoir sur la réforme du code du travail, multipliant les blocages et entraînant des pénuries de carburants, des perturbations sur les routes, les ports et les centrales nucléaires.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.