La réunion de mardi après-midi, à l'Ecole militaire à Paris, était consacrée aux attaques jihadistes qui ont visé le 13 novembre les terrasses de cafés et restaurants parisiens et le Stade de France. Deux autres sessions porteront mercredi et jeudi sur la tuerie du Bataclan.
Inédites par leur ampleur avec plus de 1.000 parties civiles conviées, ces réunions à huis clos se déroulent sur trois après-midis au même endroit où, dans les jours suivant les attentats, les familles sans nouvelles de leurs proches avaient été reçues par les autorités.
Les juges ont exposé les avancées de l'enquête en France et en Belgique, base arrière de la cellule jihadiste.
"C'était un moment extrêmement émouvant, touchant et instructif. Nous avons eu un exposé précis et clair sur le déroulé des attentats", a expliqué à la sortie l'avocate Samia Maktouf, qui défend plusieurs victimes. "On nous a expliqué le rôle des différentes personnes."
Selon elle, "il y a eu un moment fort" rapporté par les magistrats: "lors de l'audition de Salah Abdeslam, le nom des 130 victimes a été égrené par le juge, face à Salah Abdeslam. Aucune réaction. L'instruction continuera, s'il se réfugie derrière le silence, cela ne changera strictement rien".
Beaucoup attendaient des informations sur le seul membre des commandos parisiens encore en vie, qui a douché les espoirs vendredi lors de son premier interrogatoire par la justice française, au cours duquel il a invoqué son droit au silence. "Nous espérions beaucoup de ses premières déclarations", a reconnu l'avocate Sylvie Topaloff, qui s'attendait donc, avant le début de la réunion, à ce qu'elle s'avère "frustrante".
"On peut le laisser pourrir en prison, cela me gêne pas", a commenté à sa sortie Elisabeth Boissinot, mère d'une victime décédée lors de l'attaque contre les terrasses. "On est tous avec notre propre douleur, on n'a pas envie de se parler, et de se dire: +Et toi comment ca va?+", souligne-t-elle, interrogée sur les rapports entre les familles.
- "On veut savoir pourquoi" -
"Ces trois journées participent au processus de reconstruction car on met des mots sur ce qui s'est passé", a estimé la secrétaire d'Etat chargée de l'Aide aux victimes, Juliette Méadel. Face à un risque de "flambée traumatique" et de résurgence de "souvenirs douloureux", "des psychiatres et des médecins urgentistes" sont sur place, a-t-elle ajouté dans un communiqué.
"C'est comme un accident de voiture, on veut savoir pourquoi il y a eu cet accident et comment", a expliqué à l'AFP Jean-François Mondeguer, père de Laura, décédée au restaurant La Belle Equipe. "Ce n'est pas une étape dans le deuil", a-t-il dit, mais "une étape dans la recherche de vérité".
Mais d'autres questions attendent des réponses. "Comment ont été organisés les attentats ? Comment se déroule la coopération franco-belge ? Qui sont les instigateurs ?", énumérait ainsi l'avocat Emmanuel Daoud avant la réunion. Il relevait aussi que "beaucoup de temps s'est écoulé entre le début de la prise d'otages au Bataclan et l'assaut de la police". "Il n'est pas question de faire le procès de l'Etat, mais d'essayer de comprendre."
"On veut savoir pourquoi les services de renseignement n'ont pas fait leur boulot !", s'agaçait encore, sous couvert d'anonymat, le père d'une victime du Bataclan. Dix-sept familles entendent déposer plainte contre l'Etat belge, coupable à leurs yeux de défaillance dans la surveillance des frères Abdeslam.
Il est trop tôt, en revanche, pour connaître la date d'un éventuel procès.
"Il va falloir faire preuve de patience", souligne Georges Salines, président de l'association "13 novembre: fraternité et vérité", dont la fille a été tuée au Bataclan. "L'enquête doit être la plus complète possible pour remonter la chaîne des responsabilités et mettre le maximum de personnes hors d'état de nuire."
Des réunions comme celles-ci sont organisées dans le cadre d'enquêtes sur des catastrophes de grande ampleur comme le crash du vol Rio-Paris en 2009 ou des attentats comme celui de Karachi en 2002.
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