Ces réunions, inédites par leur ampleur avec plus de 1.000 parties civiles, vont se dérouler sur trois jours dans une salle de l'École militaire à Paris.
Les victimes des attaques contre les terrasses de bars et restaurants parisiens et du Stade de France, ou leurs proches, sont reçues mardi à 14H00. Mercredi et jeudi, deux après-midis d'échanges sont prévus avec celles du Bataclan.
Les juges, accompagnés de représentants du parquet de Paris, vont exposer les avancées de l'enquête en France et en Belgique, base arrière de la cellule jihadiste, et leurs objectifs. Puis, les parties civiles pourront questionner les magistrats.
"Comment ont été organisés les attentats? Comment se déroule la coopération franco-belge? Qui sont les instigateurs? Ces questions se posent toujours dans l'esprit des victimes", relève l'avocat Emmanuel Daoud.
Beaucoup attendent des informations sur Salah Abdeslam, le seul membre des commandos parisiens encore en vie, qui a douché les espoirs vendredi lors de son premier interrogatoire par la justice française, au cours duquel il s'est réfugié derrière son droit au silence. "Cette première rencontre s'annonce frustrante. Nous espérions beaucoup de ses premières déclarations", souligne l'avocate Sylvie Topaloff.
Reste pour les victimes à tenter d'éclaircir de nombreuses zones d'ombre notamment sur la sécurité du Bataclan, qui avait déjà fait l'objet de menaces. Une information judiciaire, ouverte en 2010, sur un projet d'attentat visant la salle de spectacles s'était soldée par un non-lieu en 2012, faute de charges suffisantes.
- 'Faire preuve de patience' -
"On sait aussi que beaucoup de temps s'est écoulé entre le début de la prise d'otages au Bataclan et l'assaut de la police. Il n'est pas question de faire le procès de l'Etat, mais d'essayer de comprendre", relève Me Daoud.
Certaines parties civiles vont sans doute interroger les juges sur d'éventuelles failles des services de renseignement. Dix-sept familles ont annoncé leur intention de déposer plainte contre l'Etat belge, coupable à leurs yeux de défaillance dans la surveillance des frères Abdeslam.
D'autres souhaitent connaître le sort réservé aux inculpés (plus d'une dizaine) actuellement détenus à l'étranger dans cette enquête. La justice française a demandé fin avril à Bruxelles la remise de quatre suspects incarcérés en Belgique, dont trois sont soupçonnés d'avoir aidé Salah Abdeslam dans sa fuite.
"Nous attendons des précisions pour savoir quand ils vont être transférés en France et si les personnes en prison en Autriche ou en Turquie seront aussi réclamées par les juges", souligne Me Philippe Stepniewski.
Mais selon cet avocat, "chacun viendra avec ses questions et il sera difficile de répondre aux attentes des centaines de parties civiles".
Il sera aussi trop tôt pour obtenir un calendrier concernant la tenue d'un éventuel procès.
"Il va falloir faire preuve de patience", souligne Georges Salines, président de l'association "13 novembre: fraternité et vérité", et dont la fille a été tuée au Bataclan. "Nous ne souhaitons pas que les magistrats fassent preuve de précipitation: l'enquête doit être la plus complète possible pour remonter la chaîne des responsabilités et mettre le maximum de personnes hors d'état de nuire."
Au final, pour Gérard Chemla, qui représente une cinquantaine de parties civiles, ces rencontres "avant tout symboliques" n'ont pas pour objectif "de livrer des révélations fracassantes". L'intérêt est d'"avoir une vision synthétique" de ce dossier tentaculaire qui fait déjà plusieurs dizaines de tomes de procédures.
Des réunions comme celles-ci sont organisées par la justice dans le cadre d'enquêtes sur des catastrophes de grande ampleur comme le crash du vol Rio-Paris en 2009, l'accident ferroviaire de Brétigny-sur-Orge (Essonne) en 2013, des attentats comme celui de Karachi en 2002, ou ceux de janvier 2015 à Paris contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher.
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