Le quotidien Folha de Sao Paulo a déclenché une tempête politique en publiant lundi l'enregistrement d'une conversation très compromettante pour l'actuel ministre de la Planification Romero Juca, un proche du président par intérim Michel Temer qui a pris ses fonctions depuis que la présidente Dilma Rousseff a été écartée du pouvoir le 12 mai.
Dans cette conversation datant du mois de mars, M. Juca évoque la nécessité d'un "pacte" pour écarter la présidente de gauche Dilma Rousseff du pouvoir, et par la même occasion mettre fin à l'enquête sur le scandale de corruption Petrobras dans lequel il est lui-même visé.
"L'impeachment est nécessaire. Il n'y a pas d'autre issue. Il faut résoudre toute cette merde. Il faut changer le gouvernement pour stopper l'hémorragie", y déclare M. Juca lors d'une conversation à son domicile avec l'ancien sénateur Sergio Machado, ex-président de la compagnie pétrolière Transpetro, lui-même soupçonné de corruption dans le dossier Petrobras.
Romero Juca a assumé récemment la présidence du grand parti centriste PMDB de Michel Temer, qui avait précipité la chute de Mme Rousseff en claquant la porte de sa coalition chancelante fin mars.
Accusée de maquillages des comptes publics, mais pas de corruption, Mme Rousseff a été écartée de la présidence le 12 mai pour un maximum de six mois par le Sénat, dans le cadre d'une procédure de destitution controversée, en attendant le jugement final des sénateurs.
Le PMDB est éclaboussé au plus haut niveau par le scandale Petrobras, au même titre que le Parti des travailleurs (PT, gauche) de Dilma Rousseff avec qui il a dirigé le pays depuis 2003.
- Pas de démission -
Devenu dans la foulée l'un des ministres clé du gouvernement Temer, Romero Juca a reconnu l'authenticité de sa conversation avec M. Machado, qui semble avoir été enregistrée à son insu par ce dernier dans la perspective d'un accord de collaboration avec la justice.
Le ministre, désormais sur la sellette, s'est défendu en affirmant que le journal Folha de Sao Paulo avait tronqué ses propos en ne publiant que des extraits "hors de contexte", lors d'une conférence de presse.
M. Juca a indiqué qu'il n'avait pas l'intention de démissionner tant qu'il aurait la confiance de Michel Temer, affirmant qu'il soutenait l'enquête Petrobras et n'avait jamais rien fait pour tenter de l'entraver.
Lorsqu'il parlait de "stopper l'hémorragie", il ne se référait pas à l'enquête Petrobras, mais à la situation économique du Brésil, a-t-il soutenu.
Mais dans les extraits de sa conversation publiés par Folha, il ne se réfère à aucun moment à la sévère récession économique qui plombe le géant émergent d'Amérique latine.
Il n'y est question que de l'inquiétude des deux interlocuteurs sur l'avancée de l'enquête Petrobras, qui éclabousse une grande partie de l'élite politique brésilienne.
- 'Produit de ce gouvernement putschiste' -
"Il faut un accord, mettre Michel (Temer au pouvoir, NDLR), un grand accord national", y déclare M. Machado.
"Avec le tribunal suprême, et tout le monde", répond M. Juca.
M. Machado juge que la "situation est grave" car les juges du dossier Petrobras "veulent attraper tous les politiques".
"Ils veulent en finir avec la classe politique, pour faire émerger une nouvelle caste pure", abonde M. Juca.
L'entourage de Dilma Rousseff s'est immédiatement engouffré dans la brèche en réclamant la démission de M. Juca.
"La révélation du dialogue entre Romero Juca et Sergio Machado démontre la véritable raison du coup pratiqué contre la démocratie et contre le mandat légitime de Dilma Rousseff. L'objectif est de freiner l'enquête Petrobras et de la mettre sous le tapis", a réagi l'ancien ministre Ricardo Berzoini, sur la page Facebook de la présidente suspendue.
"C'est un scandale, une honte, c'est le produit de ce gouvernement putschiste", a ajouté cet ancien ministre de Mme Rousseff.
Ces révélations tombent mal pour Michel Temer, dont la volonté déclarée de préserver l'enquête Petrobras avait déjà été mise en doute par la nomination de sept ministres visés par des enquêtes judiciaires dans son gouvernement de "salut national", dont M. Juca.
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