La souplesse de Mohammed al-Cheikh et l'agilité avec laquelle il se réceptionne comme une araignée dans un grand rire après une série de sauts périlleux lui ont valu un surnom qui le remplit de fierté: Spider-Man.
Mohammed a déjà connu la gloire en participant fin 2014 au show télévisé "Arabs Got Talent" au Liban, où il a récolté les votes de 14 millions de téléspectateurs. Gaza sortait alors d'une nouvelle guerre qui avait interrompu ses entraînements.
Aujourd'hui, il espère faire inscrire quatre de ses figures dans le Livre Guinness des records.
Pour sa mère Hanane, il est déjà "champion du monde" et il faut désormais "qu'il montre dans des compétitions mondiales son don extraordinaire et sa force exceptionnelle".
A ces mots, Mohammed, juché sur la table du salon de la petite maison familiale du quartier de Tell al-Hawa à Gaza, ramène ses jambes par-dessus son dos et se saisit avec ses pieds, par-dessus ses épaules, d'un verre d'eau qu'il boit.
Mohammed a à son actif quatre figures que personne n'a encore réalisées, assure son entraîneur Mohammed Loubbad, 26 ans, qui a envoyé les vidéos au Guinness.
Le Guinness a accepté sa candidature, comme en atteste un mail consulté par l'AFP.
Dans l'exercice qui lui vaudra peut-être d'entrer au Guinness, Mohammed a au départ le torse plaqué contre le sol, les bras allongés le long du buste; ses deux jambes sont ramenées au-dessus de sa tête, les deux pieds posés à plat devant son nez, au prix d'une cambrure du dos et du bassin évoquant le scorpion et totalement contre nature.
Puis il fait pivoter son bassin pour dessiner de la pointe des pieds un cercle imaginaire autour de son corps et de ses bras restés plaqués au sol. En une minute, il effectue ainsi 33 rotations, selon la vidéo soumise au Guinness.
Le record actuel est de 29.
- L'école avant tout -
Pour Mohammed, ce qui serait encore mieux qu'un record, ce serait de "porter haut les couleurs de la Palestine" en dehors de Gaza et de sortir de la petite enclave où près de deux millions de Palestiniens sont soumis aux blocus israélien et égyptien.
"Beaucoup d'Arabes et de gens à travers le monde me soutiennent en cliquant +Like+ sur mes vidéos sur Facebook, et ça me rend triste de ne pas pouvoir les rencontrer ou interagir avec le monde à cause du blocus", confie-t-il.
Son entraîneur a tenté de faire vivre les talents ignorés de Gaza en ouvrant un centre dédié aux sports insolites et au parkour, un sport très en vogue à Gaza qui consiste à se déplacer en milieu urbain par des sauts et des acrobaties autour d'obstacles divers.
Mais au bout d'un an il a baissé le rideau faute de financement, abandonnant à leur sort la centaine de jeunes, garçons et filles, qui pratiquaient leur art dans son centre.
"En laissant Mohammed à Gaza, on enterre son don unique au monde", déplore M. Loubbad.
Après la finale d'"Arabs Got Talent", Mohammed s'est vu offrir un contrat d'exclusivité pour une formation à l'étranger, prise en charge pendant 10 ans. Mais sa famille a refusé: Mohammed était trop jeune pour aller vivre à l'étranger loin des siens.
Aujourd'hui encore, même s'il épate ses camarades de classe, sa mère, 48 ans, met un point d'honneur à ce que le sport n'entame pas les résultats scolaires du benjamin de ses huit enfants.
Alors, pour s'évader, Mohammed accomplit ses figures sur le dos d'un chameau ou d'un cheval lancé au galop, devant un public de badauds ébaubis sur la plage de Gaza. Là, dit-il, il se sent "libre". "Je suis dans les airs et il n'y a ni barrage ni frontière ni blocus".
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