Dimanche dernier, ils étaient encore plus de 1.500 réunis place de la République, certains pour refaire le monde, d'autres pour profiter du concert gratuit du groupe de reggae Danakil ou, dans l'après-midi, pour assister à une nouvelle prestation de l'"Orchestre debout". Mais la semaine, l'engouement n'est plus au rendez-vous.
Pour Nicolas, 32 ans, qui vient "de temps en temps prendre le pouls", "la place publique est faite pour discuter, créer un lieu de débat". Mais quand bien même "le débat c'est intéressant, s'il ne mène pas à une action, ça ne sert à rien", ajoute cet informaticien dans une ONG.
"C'est un processus qui se construit, petit à petit", nuance son ami Simon, 31 ans, entrepreneur salarié à Lille, venu observer le phénomène parisien.
Né le 31 mars, au soir d'une manifestation contre la loi travail, Nuit debout a suscité énormément d'espoirs, brassant plusieurs milliers de personnes. L'opinion publique a semblé au départ soutenir le phénomène, mais les images de violence et de dégradations relayées par les médias l'ont terni.
Aujourd'hui, deux tiers des Français pensent que le mouvement va s'épuiser rapidement, selon un sondage Odoxa pour Le Parisien publié la semaine dernière.
"Une part considérable des débats en cours porte précisément sur les limites du mouvement, et sur la façon de les dépasser", écrivaient plusieurs intellectuels, dont Frédéric Lordon, figure "deboutiste", dans une tribune publiée dans Le Monde début mai.
Au centre des interrogations, selon eux: "Comment mieux s'associer avec les syndicats et la classe ouvrière" ou comment mobiliser ceux qui sont "en butte à la ségrégation sociospatiale et au racisme". Des questions pour l'instant sans réponse.
- "Petite bourgeoisie" -
D'après une étude menée par le collectif "Sciences sociales debout", le participant "type" à Nuit debout est un homme, trentenaire, plutôt parisien, plus diplômé que la moyenne, mais souvent sans emploi. Des "individus de la petite bourgeoisie blanche urbaine appartenant souvent à la fonction publique ou aux milieux culturels et étudiants", résumait le philosophe Geoffroy de Lagasnerie dans une tribune publiée par Le Monde le 28 avril.
"Pour les jeunes d'ici, Nuit debout c'est un truc de classes moyennes supérieures qui ne leur parle pas", estime un cadre au conseil départemental de Seine-Saint-Denis.
"Sur le fond, on est d'accord" avec eux, nuance Mohammed Mechmache, porte-parole d'ACLeFeu, association née à la suite des émeutes en banlieue de 2005. Mais à quelques kilomètres de la capitale, les habitants des quartiers populaires ne vivent pas la même réalité: "On est dans un état d'exception permanent: on est les premières victimes des violences policières, des contrôles au faciès, on subit discriminations et précarité depuis 30 ans."
Constat aussi amer en province. Alors qu'ils étaient un millier le premier jour à se réunir dans le centre-ville de Grenoble, où un campement permanent avait été dressé, ils n'étaient plus que 200 cette semaine. En assemblée générale, les militants ont finalement voté le démantèlement du campement.
"Je suis incertain sur les petits feux qui peuvent être des feux follets, dans lesquels on refait le monde", estime un militant écologiste de la première heure, tout en saluant "une bonne école populaire pour une frange de la population".
Si son avenir reste imprévisible, Nuit debout aura fait émerger deux personnalités, jusqu'alors peu connues du grand public, l'intellectuel Frédéric Lordon et le journaliste François Ruffin, auteur du film "Merci patron". Ce dernier espère qu'"un mouvement populiste de gauche" se créera, pour "répondre à la colère". Pour lui, Nuit debout est "une étape sur un chemin".
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.