Plantureuse brune aux longs cheveux bouclés, sourcils redessinés et vêtements apprêtés, Paloma est née homme il y a 36 ans. Convaincue d'être femme dès l'adolescence, elle entame son changement de sexe à la majorité. Puis elle s'envole pour l'Europe, en quête d'une vie meilleure.
Sur son passeport, le "M" de "masculin" contredit pourtant sa nature et son apparence féminines. Et refroidit de potentiels recruteurs.
"La prostitution, je la fais par nécessité, pas par plaisir", s'oblige-t-elle à préciser. Et de raconter cette "peur" qui l'étreint chaque soir, avant de partir "travailler". Celle de se faire "battre" ou "voler" l'argent si chèrement gagné.
Au bois de Boulogne, où l'Equatorienne se vend, "toutes les autres filles (trans) ont de l'alcool ou de la drogue dans leurs sacs" pour tenir, remarque-t-elle. Paloma affirme rester sobre par devoir envers sa fille "biologique" restée en Equateur, qu'elle a eue à 15 ans, alors qu'elle était encore garçon.
"Très souvent, il ne reste que la prostitution aux +étrangères+, qui ont fui leur pays", souvent par crainte de représailles, opine la Franco-Mexicaine Clémence Zamora-Cruz, porte-parole de l'association Inter-LGBT, elle-même trans.
Plus de 800 meurtres transphobes ont ainsi été rapportés entre 2008 et 2015 au Brésil, le pays le plus dangereux pour cette population, devant le Mexique (229 homicides), selon l'ONG Transgender Europe.
En France, les agressions violentes sont bien moindres (4 meurtres sur cette même période), mais la violence sociale réelle: rejet des proches, regards des passants, moqueries, insultes... Mais aussi "outings forcés" dans des administrations, "négation de l'identité de la personne", appelée par "son prénom ou son sexe de naissance" en milieu scolaire, "comportements abusifs" ou "allusions" graveleuses par des détenteurs d'autorité, énumère Clémence Zamora-Cruz.
Autant de dérives que vise à limiter l'amendement présenté cette semaine à l'Assemblée nationale, qui facilitera le changement d'état-civil pour les personnes trans.
- "Traitement discriminatoire" -
Si ce texte est adopté, un requérant devra apporter à un procureur, qui aura trois mois pour statuer, des "témoignages" de proches confirmant "qu'il est connu dans le sexe revendiqué" ou encore des "attestations" selon lesquelles il a "engagé ou achevé" un parcours médical.
Une petite révolution pour les trans, quand certains juges exigent encore leur stérilisation pour valider leur changement de sexe, après des années de procédure. Fin mars, le TGI de Montpellier avait ainsi débouté une requérante qui ne pouvait justifier d'une "impossibilité de procréer dans son sexe d'origine".
"Mais la stérilisation, c'est de l'eugénisme. C'est interdit dans toutes les réglementations de la planète", s'insurge Sun Hee Yoon, présidente de l'association Acthé, qui poursuit la France devant la Cour européenne des droits de l'Homme, notamment pour "traitement discriminatoire".
Agée de 66 ans, le regard pétillant et le sourire charmeur, Mathilde Daudet, née Jean-Pierre, reconnaît avoir eu "une chance inouïe" après sa transition en 2010. Issue "d'un milieu favorisé", elle n'a pas été "découragée par les démarches" à entreprendre, explique-t-elle.
Après son opération en Thaïlande, et malgré deux déboutements devant la justice, Mathilde n'a mis qu'un an à se voir reconnaître comme femme.
"Désormais, je suis pleinement heureuse. Je ris tout le temps", résume-t-elle, quand bien même certains l'appellent "la créature" et qu'elle ne trouve plus de travail. "Avant, j'avais de fortes crises de mélancolie, assez régulières."
Avant, Jean-Pierre était un caméraman trompe-la-mort, surnommé "Rambo" par ses confrères tant il prenait de risques. Avant, Jean-Pierre, père de quatre enfants, multipliait les conquêtes féminines. Avant, Jean-Pierre était suicidaire.
Car Mathilde était "une femme piégée dans un corps d'homme", écrit-elle simplement dans son autobiographie "Choisir de vivre" (Carnet nord), "par un caprice inconnu de la nature ou de la génétique".
Entre 10 et 15.000 personnes ont engagé ou achevé un parcours de transition sexuelle en France, selon l'amendement déposé à l'Assemblée.
"Plus qu'une simple normalisation administrative, la modification de la mention du sexe à l'état civil apparaît pour les personnes transgenres comme l'enjeu central de la protection de leurs droits fondamentaux", affirme ce texte.
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