Une cérémonie a ainsi attiré plusieurs milliers de personne en avril à Xinzheng, dans le Henan (centre), là où serait né il y a 5.000 ans cet "empereur" dont des sources antiques font le "fondateur" de la civilisation chinoise.
Des coups de canon ont ouvert l'évènement, devant une foule où beaucoup revêtaient des répliques de costumes d'époque.
De hauts cadres du Parti - dont le chef de la province et un ancien vice-ministre de la Culture - ont conduit une procession sur tapis rouge, avant de déposer des offrandes devant une statue monumentale représentant "l'Empereur jaune", le visage hiératique.
"Je suis ici pour lui rendre grâce. C'est notre ancêtre!", confie à l'AFP Lydia Zhou, gérante de fonds d'investissement venue de Shanghai.
Des haut-parleurs égrenaient des slogans évoquant les injonctions du président Xi Jinping: "Régénérer la Chine ! Gouverner selon la loi ! Prospérité modérée pour tous !".
- 'Affirmer sa lignée' -
Les preuves historiques de l'existence de Huangdi (l'Empereur jaune) sont fort minces. Les premières mentions et généalogies reconstituées sont apparues quelque deux millénaires après sa mort présumée, alors que les historiens datent la première dynastie chinoise autour de 1.600 avant JC.
Ce qui n'empêche pas les manuels scolaires d’aujourd’hui d'en faire "l'ancêtre de tous les Chinois", y compris des 55 minorités ethniques officiellement reconnues.
Les célébrations de Xinzheng confirment ce retour en grâce.
Après 1949, sous Mao Tsé-toung, "le culte de l'Empereur jaune était considéré comme une superstition féodale" par le Parti communiste, officiellement athée, rappelle Ren Dahuan, vice-président d'une association de recherche dédiée à Huangdi.
Mais le régime a récemment assoupli sa position, jugeant que les religions pouvaient favoriser l'"harmonie sociale".
De leur côté, en quête de nouveaux revenus, les responsables locaux de Xinzheng ont ressuscité dans les années 1990 la tradition d'offrandes à l'Empereur jaune. Des responsables politiques nationaux ont commencé à y assister en 2006, et la cérémonie reçut en 2008 l'appui du gouvernement.
"Ces cérémonies prennent de plus en plus d'ampleur, car l’État a besoin d'eux pour justifier sa légitimité", explique Zhu Dake, expert culturel à l'université shanghaïenne Tongji.
En période de sévère ralentissement économique, le Parti s'érige désormais en défenseur des traditions ancestrales chinoises, tout en s'efforçant d'instiller le sentiment d'une identité unique dans une population ethniquement diverse.
"L’état a besoin d'affirmer sa +lignée+. C'est une stratégie politique", explique M. Zhu. "Car la Chine est multiethnique, le peuple chinois est un ensemble composite plutôt que des descendants d'un ancêtre unique".
- 'Frères de sang' -
Le message d'unité vise aussi les Chinois d'Outre-mer, et surtout ceux de Taïwan: l'île, que Pékin considère comme une province, vit sa propre destinée depuis 1949 et un nombre croissant de Taïwanais ne s'identifient déjà plus comme "Chinois".
"Nous sommes des frères connectés par le sang même si nos os sont brisés", avait lancé en novembre Xi Jinping lors d'une rencontre historique avec son homologue taïwanais Ma Ying-jeou, battu aux élections en janvier, qui lui avait répondu que tous étaient "enfants de l'Empereur jaune".
Vendredi, la nouvelle présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, issue d'un parti pro-indépendance, prendra ses fonctions sous l’œil défiant de Pékin.
Signal clair, le chef du Bureau chinois des affaires taïwanaises à Pékin est venu brûler de l'encens à Xinzheng le mois dernier. Et un ancien vice-président du Kuomintang - le parti nationaliste taïwanais favorable à un rapprochement avec Pékin, désormais dans l'opposition - visitait le tombeau supposé de "Huangdi", dans la province voisine du Shaanxi.
A sa suite, des milliers de Chinois ordinaires se sont rendus sur le site - rénové à grands frais il y a une décennie - pour se prosterner devant la statue de l'Empereur mythique.
"C'est l'ancêtre de tous les groupes ethniques chinois. Et des Taïwanais", assurait Shen Yuyan, un étudiant.
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