Sur les 550 élus de la Grande assemblée nationale de Turquie (TBMM), 348 ont donné leur feu vert mardi soir à ce projet de réforme contesté qui a provoqué des rixes lors de son examen en commission parlementaire, a annoncé le vice-président du Parlement, Ahmet Aydin.
Les députés se sont ensuite prononcés dans la nuit de mardi à mercredi, à titre essentiellement indicatif, sur les deux articles du texte, qui ont recueilli respectivement 350 et 357 voix favorables, a annoncé M. Aydin, avant de clôturer la séance plénière à 23H00 GMT.
Un deuxième tour de discussions doit se tenir vendredi à partir de 07H00 GMT, avant un vote final. Si le texte récolte au moins 330 votes favorables, un référendum pourra alors être convoqué par le président Recep Tayyip Erdogan. Pour être adopté directement, il lui faudrait franchir la barre des deux tiers, soit 367 voix ou plus.
S'il est adopté, ce texte du Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir) suspendrait par une clause provisoire l'article 83 de la Constitution qui garantit l'immunité parlementaire des députés.
A ce jour, 138 députés, de tous les partis représentés au Parlement, sont officiellement concernés, dont 50 élus (sur 59) du Parti démocratique des peuples (HDP), le principal parti prokurde, selon l'agence de presse progouvernementale Anatolie.
Le HDP, accusé par le pouvoir turc d'être la "vitrine politique" du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation classée terroriste par Ankara, Washington et Bruxelles, voit dans cette proposition une manoeuvre du gouvernement visant à chasser ses élus du Parlement.
- Coups de poings -
Signe des tensions suscitées par ce texte, son examen en commission parlementaire avait donné lieu à de violents affrontements à coups de pieds et de poings entre les députés de l'AKP et ceux du HDP.
Si la réforme est approuvée à la majorité des deux tiers vendredi, elle exposerait aussitôt les élus HDP, dont ses chefs, Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag, à des poursuites judiciaires.
Un affaiblissement du HDP pourrait bouleverser l'équilibre des forces au Parlement en faveur de l'AKP, en plein débat sur la présidentialisation du régime voulue par le chef de l'Etat Recep Tayyip Erdogan, accusé par ses détracteurs de dérive autoritaire.
Ce scrutin représente également un test d'unité pour l'AKP, deux semaines après l'annonce du retrait prochain du Premier ministre Ahmet Davutoglu en raison de désaccords avec M. Erdogan. Le vote à bulletin secret, estiment les observateurs, pourrait favoriser l'expression des divisions.
Les députés du Parti de l'action nationaliste (MHP, droite) soutiennent en bloc le texte. Il y a en revanche des divisions au sein du principal parti d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), et le résultat du premier scrutin semble indiquer que les élus de cette formation ont voté massivement contre.
M. Demirtas, visé par pas moins de 75 demandes de levée d'immunité, a dénoncé mardi la réforme souhaitée par l'AKP, affirmant que s'il était emprisonné, il serait "bien plus influent".
En 1994, une députée kurde, Leyla Zana, avait été arrêtée avec trois autres élus de son parti après la levée de leur immunité parlementaire. Elle avait reçu l'année suivante le prix Sakharov du Parlement européen.
Ces quatre députés ont purgé dix ans de prison.
"Aujourd'hui, vous votez pour notre éviction de l'Assemblée", a déclaré lors des débats Meral Danis Bestas, une députée du HDP. "En 1994, vous nous avez jetés dehors, nous sommes revenus plus forts", a-t-elle ajouté.
Le projet de révision constitutionnelle survient alors que le sud-est à majorité kurde de la Turquie est de nouveau ensanglanté par des combats quotidiens entre le PKK et les forces de sécurité.
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