Les milliers de visiteurs qui affluent dans le district de Sidorarjo sont une planche de salut pour Harwati, une mère de famille célibataire. Sa vie a été bouleversée par le volcan de boue qui a surgi de terre le 29 mai 2006, engloutissant plusieurs villages, des usines et des champs.
Aujourd'hui, Harwati survit grâce à l'argent des touristes venant observer la boue qui s'étend à perte de vue, les toits de maisons qui dépassent et les sculptures de personnes à moitié enterrées dans la fange pour commémorer l'une des plus grandes catastrophes économiques et écologiques de ce pays d'Asie du Sud-Est.
"C'est la seule manière de gagner sa vie et de pouvoir mettre ses enfants à l'école", confie Harwati. "Après que mon village a été inondé, il n'y avait plus de travail", dit-elle.
Les victimes se préparent à commémorer le dixième anniversaire de cette catastrophe unique au monde: un liquide épais, bouillant et nauséabond s'échappant du manteau terrestre a recouvert une surface équivalente à 650 terrains de football.
Des dizaines de milliers d'habitants avaient été contraints de fuir leurs maisons, tandis que 13 personnes avaient été tuées par l'explosion d'une conduite souterraine.
Malgré la construction de digues de 10 mètres de haut, la boue continue de se déverser. Le volume quotidien expulsé par le volcan atteint 30.000 mètres cubes, soit l'équivalent de 10 piscines olympiques. De quoi satisfaire les touristes qui observent le spectacle et poussent des cris quand de la boue surgit de terre.
- Fascination morbide -
Dix ans après, l'origine du désastre reste controversée. De nombreux experts internationaux mettent en cause une erreur de forage de la société gazière Lapindo Brantas, contrôlée par la famille d'Aburizal Bakrie, un influent homme d'affaires et responsable politique. D'autres affirment que le désastre a été provoqué par un séisme survenu sur l'île deux jours plus tôt.
Les efforts entrepris pour boucher le geyser avec d'immenses quantités de béton n'ont eu aucun effet. La zone, déclarée catastrophe naturelle, a été bouclée dans un rayon de 20 km. Ce qui n'a aucun effet sur la fascination morbide des curieux qui affluent, comme ailleurs sur d'autres sites indonésiens touchés par des éruptions volcaniques.
Des parkings aménagés spécialement à Sidoarjo affichent régulièrement complet le weekend, avec des bus remplis de touristes. Les DVD dramatisant l'événement proposés par des vendeurs à la sauvette se vendent comme des petits pains.
"J'étais très intrigué, je voulais vraiment voir l'ampleur de la boue après avoir entendu que de nombreuses maisons avaient été ensevelies", raconte à l'AFP un touriste de Surabaya, Andri.
Après des années de procédures, la société Lapindo, qui effectuait des forages dans un bassin géologique contenant des réserves de pétrole et de gaz naturel, n'a jamais reconnu sa responsabilité mais a été contrainte de verser des compensations aux victimes. Lapindo a mis beaucoup de temps à verser la totalité des indemnités, ce qui a provoqué des manifestations de colère.
L'an passé, le gouvernement est intervenu et a prêté des fonds à cette société en difficulté financière pour qu'elle paye les reliquats.
- Tout a été perdu -
Mais des défenseurs de l'environnement soulignent que l'affaire est loin d'être close. Car des dizaines de milliers de litres de boue non traités s'écoulent quotidiennement dans les rivières utilisées par des communautés locales, où des chercheurs ont détecté la présence d'importantes quantités de métaux lourds.
Ceux qui habitent près du site de la catastrophe se plaignent de problèmes de santé et de contamination de champs et d'eau. Maksuri, un villageois vivant à côté de l'une des digues, a confié à l'AFP qu'il n'avait droit à aucune compensation malgré une eau souvent de couleur jaune et qui sent mauvais.
Certains habitants qui ont touché des dédommagements sont toujours dans une situation difficile après s'être lourdement endettés pour repartir de zéro, relève un membre de l'ONG Forum indonésien pour l'environnement, Rere Christanto, qui a perdu ses parents dans la catastrophe.
Un autre villageois, Sukampto, avait une "vie confortable" et un emploi stable avant l'éruption du volcan de boue. Depuis, il gagne une bouchée de pain en guidant des touristes autour de la zone de la catastrophe.
Parfois, il s'arrête et montre du doigt l'endroit où se trouvait son village dévasté par des torrents de boue. "Mosquées, écoles, pensions de famille: tout a été perdu", se désole-t-il.
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