"Nous avons peu de temps", a prévenu Michel Temer, du grand parti de centre-droit PMDB, lors de sa prise de fonction jeudi au palais présidentiel de Planalto.
"Mais nous nous efforcerons de mettre en place les réformes dont le Brésil a besoin", a assuré l'ancien vice-président de Dilma Rousseff devenu son principal rival.
Après des mois d'agitation politique, le Sénat a décidé jeudi à l'aube l'ouverture d'un procès en destitution de l'impopulaire dirigeante de gauche, accusée de maquillage des comptes publics.
Avec ce vote à une très large majorité (55 voix sur 81 sénateurs), la présidente est écartée du pouvoir pour un maximum de six mois en attendant le jugement final du Sénat.
- Tous les yeux sur Temer -
"Il est nécessaire de rétablir la crédibilité du Brésil sur la scène nationale et internationale", a déclaré Michel Temer en s'adressant à la nation, entouré de son gouvernement de redressement économique et d'inspiration libérale.
Cet avocat constitutionnaliste de 75 ans, aussi discret qu'habile politicien, a prôné des coupes budgétaires et des incitations à l'investissement pour combattre l'inflation élevée et la flambée du chômage.
Parmi ses ministres, l'ex-président de la Banque centrale Henrique Meirelles sera chargé du portefeuille des Finances et l'économiste José Serra, ex-gouverneur de Sao Paulo, hérite des Affaires étrangères.
Mais à peine formé, ce gouvernement est déjà la cible de critiques: sur 24 ministres, aucune femme et aucune personne de couleur.
De leur côté, les marchés voient d'un bon oeil la nomination de M. Meirelles, lui qui a réussi, à la tête de la Banque centrale sous la présidence de Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), à contenir l'inflation et à redresser l'économie brésilienne.
Vendredi, le nouveau ministre des Finances annoncera les mesures choc pour sortir le Brésil de la pire récession économique depuis les années 1930.
Mais rien n'est gagné pour Michel Temer. Il devra composer avec une féroce opposition de gauche et les nombreux problèmes qui ont nui à Dilma Rousseff, dont une économie en déliquescence (contraction du PIB de 3,8% en 2015).
En outre, plusieurs de ses ministres et alliés politiques sont dans le collimateur de la justice pour corruption, ce qui fragilise la crédibilité du nouveau président.
D'autant que son talon d’Achille reste la façon dont il est parvenu à la fonction suprême : sans passer par les urnes. M. Temer est crédité d'une très faible popularité. En cas d'élections, seuls 1% à 2% des Brésiliens voteraient pour lui, selon un sondage récent.
- Rousseff combative -
La suspension de Dilma Rousseff, ex guérillera de 68 ans devenue la première femme présidente du géant sud-américain en 2011, sonne le glas d'une époque dorée pour la gauche en Amérique Latine.
Elle a appelé les Brésiliens à "se mobiliser" contre le "coup d'Etat" dont elle se dit victime, avant de quitter la présidence.
"J'ai pu faire des erreurs mais je n'ai pas commis de crime" de responsabilité, a-t-elle affirmé, combative.
L'opposition de droite accuse la présidente d'avoir dissimulé l'ampleur des déficits publics en 2014 pour se faire réélire, ainsi qu'en 2015, via des tours de passe-passe budgétaires. Elle lui reproche aussi d'avoir pris l'initiative de dizaines de milliards de dollars de dépenses sans l'aval du Parlement.
Pour sa défense, Mme Rousseff souligne que tous ses prédécesseurs ont eu recours à cette pratique sans avoir jamais été inquiétés.
Elle accuse "le traître" Michel Temer d'avoir précipité sa chute pour s'emparer du pouvoir en poussant fin mars sa formation, le grand parti centriste du PMDB, à lui retirer son appui.
Avec une popularité d'à peine 10%, Mme Rousseff est temporairement écartée de son poste au milieu du scandale de corruption de Petrobras qui éclabousse une bonne partie de l'élite politique du Brésil. Elle n'inaugurera pas les jeux Olympiques qui se célébreront du 5 au 21 août à Rio de Janeiro.
Le temps de son procès, la présidente suspendue pourra continuer d'habiter dans sa résidence de l'Alvorada, à 5 km du Palais présidentiel. Elle pourrait revenir en septembre mais ses chances d'être réintégrée par le Sénat sont quasiment nulles.
Pour obtenir la destitution, deux tiers des sénateurs (54 sur 81 membres) devront voter en ce sens, un score déjà atteint jeudi.
"Je sens la douleur de l'injustice", a t-elle déclaré avant de se cloîtrer dans sa résidence, d'où elle prépare désormais sa défense.
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