Agée de 35 ans, Precilia, une "folle de concerts" qui en "collectionnait les billets", selon sa mère, est tombée sous les balles des assaillants du Bataclan. Son compagnon Manuel, qui l'accompagnait, est également décédé.
Leurs deux portraits ornent désormais le pas de la porte de Patricia Correia. "Parfois, je leur glisse un petit mot", sourit-elle tristement.
Depuis le 13 novembre, sa vie est brisée. De sa "relation fusionnelle" avec Precilia ne subsistent que des objets. Des photos de sa fille, à tous les âges, dans le salon. Sa chambre, qu'il est "hors de question de débarrasser". Des vêtements, qu'elle donnera "à des gens qui en ont besoin".
Precilia avait aussi acheté un petit appartement, qu'elle faisait refaire, à Asnières (Seine-Saint-Denis), à cent mètres de celui de sa mère. Depuis sa cuisine colorée, Patricia Correia aperçoit tous les jours l'immeuble où sa fille ne vivra pas.
"Je me couche, je pense à elle. Je vois des jeunes, je pense à elle. Des gens qui portent les mêmes habits, je pense à elle, énumère-t-elle. Il y a toujours quelque chose qui me rappelle sa mort".
L'actualité ne lui laisse aucun répit : la capture en Belgique de Salah Abdeslam, seul survivant des commandos des attentats, qui donc "a contribué à l'assassinat de Precilia", les attaques bruxelloises et "les cris des victimes" dans le métro, qui l'ont hantée, le jihadisme omniprésent dans les médias...
"Pour ne pas avoir le temps de penser", Patricia Correia, quinquagénaire au "caractère fort", s'est mise, inlassablement, au service de sa fille.
- 'S'engager'-
Le cercueil blanc de Precilia, qui avait la double nationalité franco-portugaise, s'est mué en oeuvre d'art, entre dessins - parce qu'elle "était un peu artiste" - et signatures de nombreuses personnes présentes aux obsèques.
La dépouille a ensuite été envoyée à Lisbonne, où elle gît désormais au cimetière dos Prazeres – des plaisirs -, l'équivalent du Père Lachaise parisien.
"Elle va bientôt déménager pour avoir quelque chose de confortable", une "chapelle individuelle" qui sera réaménagée, avec "vue sur le Tage", la rivière traversant la capitale portugaise, se réjouit sa mère, car "c'est ce qu'elle m'avait dit qu'elle voudrait si elle mourait".
Hyperactive, Patricia Correia rejoint l'association "13 novembre : fraternité et vérité", dont des centaines de victimes sont membres.
Le verbe haut, elle sillonne les plateaux télévisés et "se bat pour tout le monde", "pour moi, pour les autres", afin que "personne ne soit oublié". "Très peu de victimes acceptent de parler aux médias", explique-t-elle, tout en reconnaissant que cette implication lui permet de "tenir debout".
"S'engager dans une asso fait certainement partie de la reconstruction", note Aurélia Gilbert, autre cadre de l'association, rescapée du Bataclan, pour qui "le temps des victimes est individuel".
Six mois après les attentats, il y a "ceux qui sont en colère" et qu'"on récupère", et ceux qui sont "complètement paumés", observe-t-elle. Certains blessés ont dû "retourner vivre chez leurs parents", d'autres subissent "un choc à retardement" et se rendent compte qu'"ils ne vont pas aussi bien qu'ils le pensaient", observe-t-elle.
Patricia Correia admet "ne pas encore bien savoir si elle va s'en sortir ou finir en HP". Qu'importe. La mère de Precilia "refuse de faire son deuil" et veut "continuer à voir (sa) fille vivante".
"Je la maintiens en vie, j'entends sa voix. Je me remémore des moments où elle appelait", raconte-t-elle, les yeux humides. "C'est son souvenir qui remplit mon existence".
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