"Le plus souvent, on ne peut pas percevoir la pollution car les polluants sont le plus souvent invisibles à l'œil nu", souligne Sarah Duché, enseignante-chercheuse à l'Institut de géographie alpine (Université Grenoble Alpes).
Dans sa thèse sur "la pollution de l'air en région parisienne", la jeune femme a pu constater que les touristes se trompaient souvent quant à leur degré d'exposition à la pollution dans la capitale.
Même avec les indices de pollution de l'air, "on a une idée de ce à quoi on est exposé si on ne bouge pas trop. Mais au niveau individuel, on ne sait pas exactement à quoi on est réellement exposé, notamment lors de nos déplacements", pointe-t-elle.
Or la concentration de certains polluants (comme le dioxyde d'azote) peut varier fortement selon qu'on s'approche ou qu'on s'éloigne d'un axe routier, qu'on est coincé dans un embouteillage ou qu'on se déplace à vélo dans une rue peu fréquentée.
En termes de santé publique, l'enjeu est de taille car la pollution de l'air est à l'origine de 42.000 morts prématurées par an en France, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), et entraîne chaque année une augmentation des maladies respiratoires et cardiovasculaires. Le Commissariat général au développement durable évalue les seuls coûts sanitaires de la pollution de l'air entre 0,9 et 1,8 milliard d'euros par an.
Les associations de surveillance de la qualité de l'air (ASQA), tel Air Rhône-Alpes, publient régulièrement des données très précises sur l'exposition de la population à la pollution mais celles-ci sont souvent peu accessibles au grand public.
"On sait qu'il y a une demande d'information de la part des citoyens", reconnaît Camille Rieux, référent territorial Isère chez Air Rhône-Alpes.
- En permanence sur soi -
D'où l'idée d'avoir recours à des microcapteurs de pollution de l'air, des boitiers bourrés d'électronique qui tiennent dans la paume de la main. Pour quelques centaines d'euros, ils donnent une idée assez précise de la nature de l'air qu'on respire, par le biais d'une application sur smartphone.
Un de ces capteurs est déjà utilisé dans le cadre de la plateforme citoyenne AirCasting, lancée à New York et qui recense les niveaux de pollution dans plusieurs villes au monde. Des fabricants français, tels EcologicSense ou Azimut monitoring, ont également lancé des capteurs de ce type, essentiellement à destination des collectivités locales ou des ASQA.
Moins performants que les gros analyseurs de particules homologués à 40.000 euros, ces microcapteurs présentent l'avantage de pouvoir être portés en permanence sur soi, en bandoulière ou accrochés au guidon de son vélo par exemple. "En rendant accessibles, visualisables et en temps réel les données de pollution à tous, on facilite la possibilité de se sentir plus concerné par son exposition individuelle", note Sarah Duché.
"L'idée, c'est de faire prendre conscience aux gens que ce n'est pas pour les embêter qu'on leur demande de moins prendre leur voiture", ajoute-t-elle.
Air Rhône Alpes étudie ainsi la mise en place d'un système de prêt de ces capteurs à destination des citoyens. Une trentaine d'habitants de l'agglomération grenobloise les essaieront cet automne et verront leur comportement analysé.
Éviter les grands boulevards pour le jogging, couper la ventilation dans un embouteillage, limiter les feux de bois à foyer ouvert ou même opter pour le vélo et le bus: les pistes de changement sont nombreuses.
"Le but est de rendre la pollution visible et concrète. Il y a un enjeu à ce que les citoyens s'approprient la question et modifient leur comportement. Les leviers sont entre leurs mains", estime Camille Rieux.
D'autres collectivités ont d'ores et déjà opté pour des capteurs de ce type sur des horodateurs, à des feux tricolores ou pour de l'affichage sur le mobilier urbain. "Une trentaine de villes en France sont équipées", souligne Didier Dufournet, directeur d'Azimut France.
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