Le président du Jamaat-e-Islam, Motiur Rahman Nizami, a été pendu dans la prison centrale de Dacca dans la nuit de mardi à mercredi quelques jours après la confirmation de sa condamnation à mort pour crimes de guerre lors de la guerre d'indépendance de 1971 avec le Pakistan.
Nizami, âgé de 73 ans et qui fut ministre, est le cinquième dirigeant de l'opposition et le plus connu, à avoir été exécuté depuis la création en 2010 du très controversé tribunal international des crimes du Bangladesh (ICT).
La police a mis en place des postes de contrôle sur les principales artères de Dacca pour empêcher toute éruption de violences et les troupes d'élite du Rapid Action Battalion patrouillent la capitale.
"Plusieurs milliers de policiers ont été déployés dans la capitale pour renforcer la sécurité", a dit le porte-parole de la police de la capitale Maruf Hossain Sorder à l'AFP.
La surveillance est également très étroite dans le district de Pabna, dans le nord-ouest du pays, d'où est originaire Nizami et où sa dépouille a été emmenée sous escorte armée pendant la nuit en vue de son inhumation dans le cimetière familial.
"Au moins 16 militants du Jamaat ont été arrêtés mardi dans la nuit dans le cadre d'une opération de sécurité", a dit le responsable de la police de Pabna, Ahsanul Haq, à l'AFP.
Le Jamaat a lancé un appel à la grève générale pour jeudi afin de protester contre la pendaison de son chef.
Les exécutions de trois dirigeants du Jamaat avaient déclenché des heurts violents en 2013 entre les sympathisants islamistes et la police, aboutissant à la mort de 500 personnes.
Une nouvelle vague de violences est en revanche peu probable cette fois, le Jamaat ayant été affaibli par une vague d'arrestations lancées par le gouvernement de la Première ministre Sheikh Hasina. Des dizaines de milliers de ses partisans sont sous les verrous.
Pour Mubashar Hasan, professeur à la University of Liberal Arts, la pendaison de Nizami risque de mettre définitivement à genoux le Jamaat.
"Avec l'exécution de Nizami, la direction du Jamaat qui avait relancé le parti depuis l'après-guerre de 1971 est maintenant complètement décimée. C'est un coup sévère contre le parti", a-t-il dit.
La répression contre le Jamaat et cette exécution pourraient cependant radicaliser un peu plus ses partisans, très remontés contre le gouvernement, avertit le professeur.
"Les sujets de mécontentement du parti pourraient s'accroître et aboutir à une radicalisation", ajoute Mubashar Hasan.
Cette exécution survient au moment où le Bangladesh traverse une période de troubles après la vague d'assassinats à coups de hache par des islamistes présumés de blogueurs laïcs, d'intellectuels et de membres de religions minoritaires.
L'organisation Etat islamique (EI) et une branche d'Al Qaïda pour le sous-continent indien ont revendiqué ces meurtres mais le gouvernement nie leur présence au Bangladesh et impute ces crimes à des groupes islamistes locaux.
Un étudiant en droit défenseur de la laïcité, deux militants homosexuels, un professeur, un tailleur hindou et un responsable musulman soufi ont été tués depuis un mois.
- Célébrations à Dacca -
Dans un communiqué, le Jamaat a répété mercredi que les accusations visant Nizami étaient fausses et étaient destinées à éliminer la direction du parti.
Des défenseurs de la laïcité ont en revanche salué sa pendaison, des centaines d'entre eux se rassemblent devant la prison et sur une place de Dacca dans la nuit pour célébrer "un moment historique".
Nizami était devenu le chef du Jamaat en 2000 et avait été ministre du gouvernement soutenu par les islamistes entre 2001 et 2006.
L'accusation estimait que le dirigeant avait joué un rôle de premier plan dans la création de la milice islamiste pro-pakistanaise Al-Badr qui a tué intellectuels, médecins et journalistes lors de la guerre d'indépendance.
La guerre de 1971, l'une des plus sanglantes du XXe siècle, a débouché sur la naissance du Bangladesh, qui était depuis 1947 une province du Pakistan appelée Bengale oriental, puis Pakistan oriental.
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