Vendredi 13 novembre. Armés de kalachnikovs et de ceintures explosives, une dizaine de jihadistes attaquent Paris, dix mois après Charlie Hebdo. Ce sont les attentats les plus meurtriers jamais commis en France: 130 morts, lors d'un concert au Bataclan, aux terrasses de bars et restaurants ou près du Stade de France. Et des centaines de blessés et de rescapés traumatisés.
Vendredi 13 mai, six mois se seront écoulés. L'enquête a progressé, en France et en Belgique, base arrière des jihadistes, sans toutefois empêcher de nouveaux attentats: révélant de vastes ramifications et jetant une lumière encore plus crue sur les failles des services de renseignement, la même cellule du groupe État islamique (EI) a tué 32 personnes le 22 mars, à Bruxelles cette fois.
Les enquêteurs attendent beaucoup du seul survivant des commandos parisiens, Salah Abdeslam, arrêté en Belgique comme une vingtaine d'autres complices présumés, et remis à la France. Notamment pour connaître les commanditaires de l'EI, en Syrie ou ailleurs. Il sera interrogé pour la première fois sur les attentats par les juges français le 20 mai avec, selon son avocat, l'"envie de s'expliquer".
- Touristes pas tous revenus -
Les victimes aussi espèrent des avancées, dans l'attente d'un futur procès. D'autant que la reconstruction est difficile. "J'ai entendu que certains parents n'ont pas de haine. Moi j'en ai", lâche Patricia Correia, mère de Precilia, 35 ans, tuée au Bataclan. "Je ne peux pas supporter que ma fille ait été assassinée", "il y a toujours quelque chose qui me rappelle sa mort".
Après quelques ratés dans la prise en charge des victimes, les autorités entendent boucler d'ici fin 2016 l'examen des 2.500 demandes d'indemnisation.
Autre signe d'un retour à la normale, les établissements frappés en novembre ont rouvert, du bar "A la bonne bière" au restaurant "La Belle Équipe". Et le Bataclan, en pleine rénovation, a programmé des concerts pour novembre: face aux échafaudages, les hommages sont réduits à la portion congrue, quelques photos, trois bougies allumées et des fleurs fraîches.
Changement plus spectaculaire encore place de la République. Autour de la statue, devenue mémorial en 2015, bougies éteintes et plantes plus ou moins fanées accompagnent des messages "Même pas peur" ou "Plus jamais ça". Mais les tags prennent peu à peu le dessus, comme les slogans de Nuit debout, ce mouvement né de l'opposition à la loi travail, qui se retrouve là chaque soir depuis fin mars. "Pression populaire", "mangeons les riches", peut-on lire désormais à côté de "Pray for Paris".
Pour autant, les attentats ont laissé des traces. Les hôtels et restaurants parisiens n'ont pas renoué avec la fréquentation d'avant et les boutiques de luxe ne font toujours pas le plein des habituels touristes asiatiques. La clientèle "de loisirs" va "plutôt à Londres, à Rome" quand elle a "le choix", admettait récemment Franka Holtmann, patronne de l'hôtel Meurice.
- "L'union nationale n'existe plus" -
Les Français restent aussi profondément marqués. "Lorsqu'on les interroge sur les principaux enjeux, l'insécurité et la lutte contre le terrorisme arrivent en tête, malgré les crispations sur le chômage et la loi travail", souligne Frédéric Dabi de l'Ifop, évoquant une situation "quasiment inédite". Le sondeur note aussi "un regard de plus en plus sévère sur l'islam", plus que jamais au coeur du débat politico-intellectuel.
Quant au climat politique, "l'union nationale n'existe plus du tout", emportée notamment par la controverse sur la déchéance de nationalité: "à l'approche de la présidentielle", explique Frédéric Dabi à l'AFP, "le clivage droite/gauche se réactive".
La prolongation pour deux mois de l'état d'urgence semble toutefois acquise. Car la menace reste très élevée, comme en témoigne, selon les autorités, la mise en échec d'un projet d'attentat de grande ampleur avec l'arrestation de l'ex-braqueur Reda Kriket fin avril.
Après le Festival de Cannes, qui s'ouvre mercredi, l'Euro de football en France (10 juin-10 juillet) "représentera un risque", selon le ministre de l'Intérieur, tout comme le Tour de France (2-24 juillet). "Il ne nous est pas permis de nous croire à l'abri", a prévenu Bernard Cazeneuve.
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