Elles ne les avaient jamais vus ni entendus depuis le 12 juillet 2013 et le déraillement du train Intercités n°3657 reliant Paris à Limoges, qui a fait sept morts et des dizaines de blessés.
Pendant trois heures, les victimes, réunies au tribunal de grande instance de Paris, ont pu écouter les trois juges d'instruction d'Évry leur exposer l'avancée de leurs investigations et leur poser des questions.
Sur les 167 personnes constituées parties civiles dans ce dossier, 70 ont répondu à la convocation des juges, ainsi que 42 avocats, dans un dossier très technique de plus de 18 tomes.
"C'était une journée très importante, les victimes étaient en attente de ce premier contact avec les juges", a expliqué Thierry Gomes, président de l'association "Entraide et défense des victimes de la catastrophe de Brétigny" (EDVCB).
M. Gomes, qui a perdu ses parents lors de l'accident, a cependant qualifié d'"un peu mitigées" les réponses apportées par les juges, lui qui espérait obtenir une date de fin d'instruction.
"C'est important qu'un procès ait lieu car aujourd'hui encore des gens souffrent et vont souffrir pour longtemps", avait-il souligné avant la rencontre.
"L'intention des juges était très louable mais c'est un coup d'épée dans l'eau", a estimé Me Alexandre Varaut, conseil de plusieurs victimes. "Ce qui a été dit, les avocats le savaient déjà et les victimes n'ont pas entendu ce qu'elles voulaient, c'est-à-dire des délais et des responsables", a-t-il ajouté.
- "Double langage" -
Car l'autre déception est la confirmation que, pour l'heure, les juges n'ont pas prévu de pointer les responsabilités de personnes physiques.
Depuis l'ouverture d'une information judiciaire par le parquet d'Évry, seules deux personnes morales ont été mises en examen, la SNCF et Réseau ferré de France (RFF), toutes deux mises en cause pour homicides et blessures involontaires.
Trois cheminots de la SNCF, chargés de la surveillance des voies au moment du déraillement, ont, eux, été placés sous le statut de témoin assisté.
Le "soulagement" d'avoir vu les juges est teinté "d'amertume", selon Me Gérard Chemla, avocat d'EDVCB. "On a l'impression qu'il y en a beaucoup qui vont passer à côté et qu'on ne va peut-être pas aller jusqu'au au bout des choses", a-t-il regretté.
Lors de leur exposé, les juges ont également concédé leurs "difficultés" à mener à bien leurs investigations et "dénoncé très clairement le double langage de la SNCF", qui promettait la transparence, selon Stéphane Gicquel, secrétaire général de la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (FENVAC), partie civile.
Parmi les obstacles évoqués, selon M. Gicquel, "des communications très tardives et très parcellaires de pièces", "les suspicions de préparation de faux documents" et "les préparations d'entretiens" avant les auditions, qui transparaissent dans les écoutes judiciaires ordonnées par les juges.
"Aucun membre de la direction n'a donné d'instructions à qui que ce soit, de dire autre chose que la vérité", a assuré début avril Guillaume Pepy, président de la SNCF.
Dans ce volet du dossier, les juges n'ont pas été saisis par le procureur pour poursuivre leurs investigations sur une éventuelle entrave à la justice ou une subornation de témoins et les parties civiles n'ont pas porté plainte jusqu'à présent.
Le 12 juillet 2013, un train avait déraillé en gare de Brétigny-sur-Orge à cause d'une éclisse - sorte de grosse agrafe sur l'aiguillage -, dont une fissure n'avait pas été détectée lors des tournées de surveillance, et dont trois des quatre boulons s'étaient cassés ou dévissés. L'éclisse avait alors pivoté, provoquant l'accident.
Selon les experts judiciaires, l'aiguillage mis en cause s'est désassemblé progressivement par défaut de maintenance, ce que conteste la SNCF qui privilégie le scénario d'une fissuration rapide et brutale.
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