Dans une ambiance recueillie, une centaine de personnes ont assisté au dévoilement de la plaque qui commémore trois "victimes innocentes de l'épuration sauvage" sur le monument aux morts de la commune de 1.300 habitants, à une trentaine de kilomètres à l'ouest de Rennes.
Le 4 août 1944, alors que les Allemands venaient de fuir la base de radars qu'ils occupaient en dehors du village, un groupe de résistants de la dernière heure s'empare de ces trois femmes, dont une mère et sa fille, au prétexte qu'elles y travaillent pour l'armée allemande.
Frappées, tondues, déshabillées, attachées en plein soleil devant le café du village, affublées de la croix gammée, elles finissent dans un petit bois où elles doivent creuser leur tombe avant d'être pendues. Leurs ossements n'ont pas été retrouvés.
"Les violences ont dépassé en horreur tout ce que la personne humaine peut subir", a rappelé lors de la cérémonie l'historien de la commune, Alexandre Boucard, qui avait 10 ans à l'époque.
Jacqueline, 9 ans en 1944, se souvient d'avoir vu les trois femmes attachées nues "avec des cordes", alors qu'elle venait chercher du pain au village accompagnée de son frère, de deux ans plus âgé.
"Nous étions bouleversés. Des gens crachaient au visage des femmes. La patronne du café a jeté un bol de cidre à la figure de la blonde en lui disant: +c'est tout ce que tu mérites+", se souvient-elle.
Jacqueline, qui préfère ne pas donner son nom de famille, précise à l'AFP qu'elle connaissait Marie et Germaine Guillard, la mère et la fille, parce que son père les laissait traverser sa ferme pour se rendre au camp de l'armée allemande où elles travaillaient en cuisines.
- 'Nous vous demandons pardon' -
Traumatisée à vie, la petite fille et la femme qu'elle est devenue ne retourne jamais devant l'arbre où les trois femmes ont été pendues.
Les assassins, poursuivis plusieurs années après, seront sauvés par une loi d'amnistie en 1951. Une chape de plomb tombera sur Monterfil, d'autant plus que le principal instigateur des violences, Louis Oberthür, n'est autre que le fils du maire et principal propriétaire terrien de la commune.
"Les principaux coupables étaient considérés comme des notables alors que mon grand-père n'était qu'un modeste cultivateur", observe Pierre Guillard, petit-fils de Marie.
Il a fallu attendre une marche blanche à l'été 2014, à l'occasion du 70e anniversaire de la Libération, pour que le tabou se lézarde et qu'au même moment des descendants des victimes apprennent enfin ce qui était arrivé à leurs proches.
Dans une déclaration brève mais percutante, le maire Michel Duault leur a d'ailleurs demandé pardon ce dimanche lors de la cérémonie organisée en même temps que la commémoration du 8 mai 1945.
"Pierre, François, au nom de la mémoire collective, nous vous demandons pardon, à vous et à vos familles, d'avoir mis tant de temps pour laver de tout soupçon la mémoire de vos grands-mères et tante", a-t-il lancé aux deux plus proches parents des victimes présents à la cérémonie.
François Lesourd, petit-fils de Suzanne Lesourd, 28 ans lorsqu'elle a été exécutée, s'est félicité d'être parvenu enfin à "l'épilogue" de ce drame.
"Nous avons eu à gérer ensemble un bien pénible héritage", a-t-il lancé devant le monument aux morts. "Personne n'a choisi d'être descendant de martyr, de lâche ou de bourreau. Aujourd'hui tout le monde avait envie de tourner la page et qu'elle soit bien tournée", a déclaré M. Lesourd, venu de l'Aisne comme sa grand-mère dont il a découvert le tragique destin il y a moins de deux ans.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.