Michel Neyret est jugé depuis lundi aux côtés de six autres prévenus notamment pour "corruption et trafic d'influence passifs par personne dépositaire de l'autorité publique".
Au centre du dossier figurent ses relations troubles avec deux de ses indics, Gilles Benichou et Stéphane Alzraa, membres présumés du milieu lyonnais condamnés pour des escroqueries, auxquels Michel Neyret a fourni des informations confidentielles et en faveur desquels il est intervenu. L'ex-grand flic n'a pas hésité à s'afficher en leur compagnie, à partir en vacances avec eux ou à accepter leurs cadeaux.
A l'audience, l'ancien commissaire tente de justifier ses pratiques par la nécessité d'établir une relation de confiance avec ses sources dont il espérait obtenir des informations pour réaliser de belles affaires, mais aussi par son amitié avec Benichou.
Difficile cependant de reconnaître le flamboyant ex-patron de l'antigang lyonnais, décoré pour ses brillants états de service, dans le prévenu Neyret. Il balbutie ses réponses et multiplie depuis deux jours les mea culpa sur ses erreurs de jugement.
"J'ai du mal à comprendre comment quelqu'un qui a votre carrière a pu se laisser berner par des indics, qui plus est, des indics escrocs", s'est interrogé mercredi le président Olivier Geron.
"Mon domaine d'activité a toujours été le grand banditisme et j'ai développé des relations avec des informateurs qui touchaient ce domaine. Quand j'ai abordé celui de l'escroquerie, j'ai eu du mal à maîtriser cet aspect des choses. J'ai reproduit des schémas qui m'ont desservi et j'ai pas vu arriver la manipulation", a avancé Michel Neyret.
"Moi, j'ai tendance à croire que vous ne vous êtes pas fait berner. Vous vous êtes laissé corrompre et cela vous a aidé à fermer les yeux", a répliqué la procureur Annabelle Philippe en avance sur ses réquisitions.
- "Un prisme déformant" -
Pour percer le mystère des relations entre policiers et indics, le président a appelé à la barre les trois anciens subordonnés de Neyret renvoyés dans ce dossier, Christophe Gavat, Jean Paul Marty et Gilles Guillotin.
"Moi, j'ai toujours fait la part des choses entre le travail et la vie privée. S'il m'est arrivé d'aider des indics pour installer la confiance, manger ou prendre un café avec eux, jamais", a assuré le capitaine Jean-Paul Marty.
"Toute la question est celle des limites. Il n'est pas choquant d'entretenir une relation quotidienne avec un indic. Mais pour moi, cela ne doit pas aller plus loin que le repas", a estimé Christophe Gavat, ancien chef de la PJ de Grenoble.
Son ex-adjoint, le commandant Gilles Guillotin, a raconté avoir traité personnellement deux indics dont un seul lui a apporté des affaires.
"Il était venu spontanément à l'hôtel de police pour râler après un collègue. J'ai été là pour le calmer. Je lui ai dit: +si tu veux gagner un peu d'argent tu reviens+. Il est revenu deux mois plus tard", a-t-il expliqué. "Mais, je ne dinais pas avec eux, ne m'affichais pas en leur compagnie. Je les voyais dans un lieu retiré et l'on se contactait avec des téléphones dédiés", a-t-il ajouté.
Les trois policiers ont cependant convenu qu'il "n'y a pas de règles" pour traiter les indic malgré une charte édictée en 2012 après l'arrestation de Neyret. "On s'inspire des anciens et on le fait au feeling", ont-ils expliqué.
"La relation avec un indic est personnelle. Chaque fonctionnaire a sa méthode pour établir la confiance", a avancé Michel Neyret, pour qui "la discrétion n'est pas forcément nécessaire".
"J'ai eu cinq ou six informateurs (dans ma carrière). Cela m'a donné un prisme déformant lié à mon expérience qui m'a peut-être donné de mauvaises méthodes, pas suffisamment prudentes, je vous l'accorde", a concédé l'ex-policier.
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