"Depuis que j'ai commencé, les migrants sont présents, mais les moyens pour monter dans les camions sont de plus en plus violents", assure ce jeune homme de 33 ans, embauché en 2011 chez Deroo Transports, à Wizernes, près de Saint-Omer (Pas-de-Calais) pour "faire l'Angleterre".
"On roule sur la rocade et d'un coup, un tronc d'arbre, des barricades au milieu de la route et des jets de pierres nous obligent à nous arrêter", raconte-t-il, lassé, en référence aux actions des migrants de la "Jungle" de Calais dénoncées par les autorités en avril.
Et aux abords de la chaussée, "ils sont 20, 30, 50 prêts à monter!" renchérit son collègue, Maxime Allouchery, 30 ans. Alors, "de Saint-Omer au port ou au tunnel, on fait tout pour ne pas s'arrêter, car ce serait inconscient".
Voici trois ans, "c'était le jeu du chat et de la souris: quand ils étaient surpris, on les faisait descendre et ils ne faisaient pas d'histoire. Maintenant, nous avons peur de leur agressivité", affirme Jimmy Barbieux.
Désormais, "quand je m’aperçois qu'il y a des migrants dans mon camion, j'attends d'arriver aux contrôles du port ou du tunnel pour les faire débarquer", explique le chauffeur, s'apprêtant à livrer de la cristallerie à Manchester.
Les migrants, "font partie de notre quotidien" et avec trente traversés par mois, "on connaît leur technique". Par exemple "ils vérifient la cargaison avant de monter: si c'est un chargement biscornu, ils montent, car ils peuvent se cacher, sinon, ils laissent tomber", raconte M. Allouchery.
Si le chargement ne leur convient pas, "ils grimpent sur les toitures, les châssis du tracteur ou dans le déflecteur (au-dessus de la cabine NDLR), c'est dangereux, on les retrouve souvent tétanisés", complète M. Barbieux.
- 'La passion devient une galère' -
"Si les camions ne vont pas dans la bonne direction, ils font aussi tout pour que le conducteur s'arrête. Une fois, voyant que je n'allais pas en Angleterre, des migrants sur mon toit ont craqué la bâche, pris les pommes de terre de la remorque et les ont jetées partout sur la route sur sept kilomètres...", se souvient M. Barbieux.
La "passion" pour son métier choisi pour "le voyage et la liberté" est ainsi devenue "une galère": "On est de plus en plus inquiets, on a peur pour notre sécurité", témoigne le jeune homme déjà contrôlé cinq fois "positif", c'est-à-dire avec des migrants dans sa remorque, au port et au tunnel. Sans parler du risque financier: en cas de contrôle positif en Angleterre, "c'est 2.000 euros pour le chauffeur et 2.000 euros pour le patron de l'entreprise, des collègues ont déjà dû payer", assure son collègue Maxime.
Celui-ci veut du coup "arrêter l'Angleterre". Comme "trois autres de ses collègues", selon Alain Noyelle, leur chef, affirmant que deux chauffeurs ont déjà démissionné pour cette raison. Quarante chauffeurs (sur 250) de Deroo sont concernés par le trafic transmanche.
Pour Maxime, "c'est saoulant". Il n'a "pas envie de partir au travail chaque jour en (se) disant +Quels problèmes vais-je rencontrer?+, j'ai peur d'avoir un accident, peur d'en culbuter un sur la route".
Les deux chauffeurs ont rejoint un groupe sur Facebook créé par des collègues pour se tenir informés du trafic aux abords du port et du tunnel. L'un d'entre eux vient de poster un nouveau message: "Attention attaque de migrants entre l'A16 et la rocade portuaire. A part ça, ça va."
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.