Une semaine après la visite en Allemagne du président américain Barack Obama, venu faire l'article pour l'accord transatlantique appelé aussi Tafta en français, l'antenne néerlandais de l'ONG Greenpeace a mis en ligne lundi 248 pages de documents de négociations, obtenus lors de la treizième session de discussions la semaine dernière à New York.
Complètement inaboutis et truffés de passages entre crochets, c'est-à-dire provisoires, ils exposent les divergences encore substantielles entre les deux parties, qui négocient depuis mi-2013 ce traité visant à abolir les barrières commerciales et réglementaires entre les deux zones.
Les détracteurs du traité estiment que ces documents illustrent la menace d'un abaissement des standards européens environnementaux et en matière d'agro-alimentaire.
Une source diplomatique européenne a confirmé à l'AFP la véracité des documents. Mais précisé qu'ils étaient "vieux" et ne prenaient pas en compte certaines "évolutions importantes" des négociations.
"C'est normal que dans des négociations (...) les deux parties aient des positions différentes", a commenté le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, confirmant le "grand intérêt" de Berlin à la conclusion d'un accord.
- Perspectives sombres -
Les ONG opposées au TTIP - et elles sont nombreuses - critiquent depuis le début l'opacité des discussions. Si la Commission européenne, à la manoeuvre côté européen, a fini par publier sous la pression son mandat de négociations, les Etats-Unis ne l'ont en revanche jamais fait.
La Commission européenne publie des rapports sur des négociations - le dernier la semaine dernière - mais en termes très généraux. Les députés des pays européens ne peuvent consulter les documents afférents aux négociations que dans une "salle de lecture" hautement surveillée.
Pour arides et difficiles à interpréter qu'ils soient, les documents publiés par Greenpeace lèvent donc une partie du voile sur un mystère. Ils représentent 75% des chapitres sur lesquels les négociateurs travaillent, a indiqué lors d'une conférence de presse à Berlin Jürgen Knirsch, expert de Greenpeace.
"Nous faisons cela pour lancer un débat public", a déclaré Stefan Krug, directeur du bureau berlinois de l'organisation, "nous voulons que les négociations s'arrêtent".
La diffusion arrive à un moment où les perspectives pour l'accord semblent de toute façon sombres. A Paris, le président François Hollande a assuré dimanche que la France dirait "non à toute conclusion qui mettrait notre agriculture en difficulté". La semaine dernière le secrétaire d'Etat au Commerce Matthias Fekl avait estimé qu'on "s'éloignait" d'un accord.
Avant de publier l'intégralité du texte, Greenpeace l'a communiqué à une poignée de médias, dont le journal français Le Monde.
Après analyse, ce dernier en retient surtout l'impression que "les Européens (sont) plus impliqués et plus intéressés à la négociation" et "ont produit davantage de propositions". Les Américains sont décrits comme "peu enthousiastes".
Un constat qui tranche avec l'impression volontariste qu'a voulu donner Washington ces dernières semaines. La Maison Blanche a semblé vouloir donner un coup de collier aux discussions et fin avril à Hanovre M. Obama a plaidé pour que les négociations soient bouclées avant son départ en janvier 2017.
- "Légitiment la critique" -
Pour Greenpeace, très remontée contre l'accord en gestation, les documents "confirment ce que nous disons depuis longtemps".
"Les documents publiés légitiment la critique à l'accord de libre-échange", a également jugé l'ONG Foodwatch, selon qui les textes montrent que "sur des questions essentielles comme le principe de précaution ou la protection des investissements, l'UE a déjà cédé d'avance".
En Allemagne, où l'opposition au TTIP dans la société civile est très nourrie, le Süddeutsche Zeitung, qui a obtenu les documents à l'avance, juge aussi que "la réalité des négociations surpasse les pires pressentiments".
Les craintes des Allemands se focalisent sur l'agriculture et l'environnement, et sur l'épineuse question de la protection des investissements.
Les Européens sont très mal à l'aise face au recours souhaité par les Etats-Unis à l'arbitrage pour trancher d'éventuels différents entre les Etats et des multinationales qui s'estimeraient lésées par une législation nationale.
Dans le chapitre sur le sujet mis à disposition par Greenpeace, les deux parties ne sont même pas d'accord sur l'intitulé du premier article.
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