L'une a perdu un fils, l'autre un frère. Emmenés par la guérilla dans la jungle de la région du Cauca, dans le sud-ouest du pays, ils n'en sont jamais ressortis. Ces femmes ont déposé plainte, alerté les médias, voire tenté d'aller sur place. Plus d'une décennie a passé et... rien.
"Il terminait son service militaire. C'était le bébé de la famille", raconte à l'AFP Mariela Patiño, 56 ans, mère de quatre enfants, dont le plus jeune a été enlevé lors d'une permission dans la ferme familiale près de Cajibio, à environ 135 km de Palmira et Cali.
"Nous prenions le petit-déjeuner quand sont arrivés six membres des Farc, cinq hommes et une femme", se souvient-t-elle, en montrant une photo de Manuel Alejandro Castro Patiño, 20 ans, en treillis militaire.
Le jeune conscrit a été emmené le 20 septembre 2003 par la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes). "Ils l'accusaient d'être un informateur de l'armée", précise sa mère, expliquant que "la guérilla interdisait de faire le service militaire".
Elle s'est démenée au point que les Farc l'ont contrainte à quitter sa ferme. "J'ai déposé plainte et je mettais des affiches partout. Ils m'ont dit que si je ne m'en allais pas, ils ne répondaient pas de ma vie, ni de celle de ma famille."
Abandonnant tout, Mariela Patiño a ouvert un petit salon de coiffure à Cali et s'est engagée dans l'association "Los que faltan" (Ceux qui manquent) créée en 2012.
- Où sont tous les disparus? -
"Un jour, un commandant des Farc a reconnu qu'ils avaient commis une erreur (...) Mon fils est enterré dans le hameau. Nous y sommes allés, mais nous ne l'avons pas trouvé. J'ai transmis l'information au parquet. Il y a huit ans. C'est une zone rouge où les autorités ne peuvent aller", déplore-t-elle.
Parmi "Los que faltan", Oswaldo Diaz Fuentes. Ce conseiller municipal de Palmira, alors âgé de 42 ans, a disparu le 15 octobre 2001. "Il a été enlevé par quatre hommes armés, devant son fils de 13 ans", se souvient sa soeur Zamira, qui d'un épais dossier extirpe deux feuillets.
"Un homme m'a apporté ces cartes, un civil impliqué dans la recherche des disparus." Sur le papier, des annotations et un itinéraire tracé à la main, jusqu'à La Punta, "refuge de la guérilla", à plusieurs heures de route puis de marche de Palmira.
La police a été informée, mais il n'y a pas eu de suite. "C'est une zone à haut risque, une zone guérillera, cachée dans les pins. C'est encore très dangereux d'y aller", explique Zamira, 64 ans.
Interrogé par l'AFP, le parquet a affirmé, via son service de presse, que "lorsque les conditions de sécurité sont compliquées, (ses) fonctionnaires sont accompagnés de la police ou de l'armée, selon les circonstances, et ainsi parviennent toujours sur les lieux des faits". Mais il n'a pas été précisé s'ils s'étaient rendus là où seraient enterrés le jeune Castro Patiño ou M. Diaz Fuentes.
Dans un premier temps, les Diaz Fuentes ont reçu des demandes de rançon, jusqu'à 200 millions de pesos (environ 67.000 dollars), qu'ils ne pouvaient payer. Comme beaucoup d'autres familles à cette époque où les enlèvements étaient légion.
Les années ont passé. Les proches ont dû à deux reprises identifier des cadavres, se soumettre à des analyses ADN. Ce n'était pas Oswaldo. Puis, en 2014, les Farc, déjà engagées dans les pourparlers de paix encore en cours avec le gouvernement, ont admis l'avoir tué alors qu'il tentait de s'enfuir. Mais de ses restes, nulle trace encore.
A ce jour, le parquet a localisé 6.500 des 45.000 disparus d'un demi-siècle de guerre interne, dont 3.100 ont été rendus à leurs proches, selon des chiffres officiels.
"Nous avons lutté, demandé par tous les moyens qu'ils nous disent la vérité, pas seulement pour mon frère! Qu'ils nous disent où sont tous les disparus!", lance Zamira, la voix cassée par les sanglots.
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