Le directeur général de l'Oeuvre d'Orient, le plus vieux mouvement d'aide aux catholiques orientaux, qui célèbre ses 160 ans et accompagne 1.200 projets sur le terrain, vient de publier un livre dont le titre résonne comme un manifeste: "Chrétiens d'Orient, résister sur notre terre" (Cherche Midi).
"Il faut souligner l'importance du maintien des chrétiens pour ces pays et redire que c'est possible. En Irak, une fois qu'on aura neutralisé Daech (l'organisation jihadiste Etat islamique, NDLR), il n'y a pas de raison qu'ils ne puissent pas vivre chez eux", estime dans un entretien à l'AFP le vicaire général à l'ordinariat des catholiques orientaux en France.
Le prêtre parisien revient d'un voyage de prélats français à Kirkouk, dans le nord de l'Irak, à la rencontre de 400 étudiants dont les études sont en partie financées par des dons de fidèles de France, puis à Erbil (Kurdistan irakien), au contact de déplacés et de représentants des Eglises syriaque et chaldéenne.
"Dans les zones où des chrétiens ont été chassés par Daech, c'est-à-dire Mossoul et la plaine de Ninive avec des villes comme Qaraqosh, sur la rive gauche du Tigre, pas un centimètre carré n'a été libéré", déplore Mgr Gollnisch, pour qui "toute idée selon laquelle il y aurait un recul" de l'EI est "farfelue".
"C'est de nature à décourager les populations qui se trouvent actuellement au Kurdistan irakien et qui confient +on nous avait dit qu'on rentrerait assez rapidement chez nous!+ Si rien ne se fait dans les semaines à venir, ces populations, qui comptent aussi des Yézidis, des sunnites réfractaires à Daech, des Turkomans, en tout peut-être 1,2 million de déplacés dont 120.000 chrétiens, risquent de se lancer sur les folles routes de l'émigration et ce sera ingérable", prévient-il.
- "Pas chef d'état-major" -
Prêtre et "pas chef d'état-major", le directeur de l'Oeuvre d'Orient s'interroge toutefois sur le manque de résultats des frappes aériennes de la coalition contre Daech.
"Le problème n'est pas tant militaire, Daech n'est pas une force aussi considérable. (...) Beaucoup de sunnites seraient prêts à se soulever contre Daech, à condition qu'on leur fasse une proposition qui passe par l'octroi d'un pouvoir régional important, et qu'ils ne soient pas sous la coupe des chiites de Bagdad auxquels les Américains ont donné le pouvoir", assure Mgr Gollnisch.
La situation d'une Syrie en proie à la guerre civile depuis cinq ans lui semble "beaucoup plus douloureuse, puisqu'on n'est pas capable d'arrêter ce conflit". Pour le prélat, le départ de Bachar al-Assad "n'est pas la question aujourd'hui", et "si le régime s'effondrait, ce serait une catastrophe humanitaire". Là encore, "il vaudrait mieux essayer de stabiliser des pouvoirs régionaux", avec "une zone alaouite comprenant les chrétiens, une zone kurde, une zone sunnite sans Daech ni Al-Qaïda, pour aider des populations épuisées, qui n'en peuvent plus".
La minorité chrétienne a-t-elle "perdu tout espoir" en Irak, comme l'a clamé mercredi la coordination Chrétiens d'orient en danger (Chredo) de l'élu Les Républicains Patrick Karam, au retour d'une mission sur place ? "Il faut dépasser l'émotion immédiate. Le désir le plus profond de ces personnes, c'est de pouvoir rentrer chez elles. Je regrette ce voyage trop rapide de M. Karam, qui se donne la mission - qu'il n'a pas - de parler au nom des chrétiens d'Orient, c'est intolérable", tacle Mgr Gollnisch.
"Ce qu'on doit bien comprendre en Europe, c'est qu'un chrétien d'Irak c'est un Irakien, un chrétien de Syrie c'est un Syrien", martèle le prélat. "Ils ont le droit moral" de vivre sur leurs terres, et en tant que minorité "peuvent jouer un rôle important" pour construire "une citoyenneté reconnue pour tous".
"Ce n'est pas seulement un voeu pieux du directeur de l'Oeuvre d'Orient: beaucoup de musulmans souhaitent que les chrétiens restent dans leurs pays, il faut l'entendre aussi", conclut-il.
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