Dix-neuf mois après la tragédie, les parents des victimes demandent un suivi international de l'enquête et assurent qu'ils continueront, même seuls, à lutter pour savoir ce qu'il est advenu de leurs enfants.
"La lutte est longue et même si on est peu nombreux (...) ils devront nous tuer pour nous faire taire" affirme Emiliano Navarrete tandis qu'il défile sur la principale avenue du centre de Mexico, tenant entre ses mains la photo de son fils disparu.
La "qualité" des gens qui les soutiennent "importe plus que la quantité" assure-t-il, sans pour autant cacher sa déception à voir une foule si clairsemée défiler à leurs côtés.
Ces familles ont voyagé de Tixtla, un village pauvre de l'Etat de Guerrero (sud), où se trouve l'école d'enseignants d'Ayotzinapa, pour protester après la remise du rapport final d'enquête des experts de la commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH).
Après un an d'investigation, les experts - dont la mission n'a pas été prolongée par le gouvernement mexicain - ont affirmé que les autorités avaient fait obstruction à la recherche de nouvelles pistes et dénoncé plusieurs cas de torture sur des suspects.
La commission a également remis en cause la version officielle des autorités selon laquelle les jeunes auraient été incinérés dans une décharge par des membres d'un cartel qui auraient ensuite dispersé leurs restes dans une rivière.
La disparition de ces jeunes dans la nuit du 26 au 27 septembre 2014, après avoir été attaqués par des policiers municipaux d'Iguala, dans l'Etat de Guerrero, avait provoqué un tollé international et déclenché des manifestations parfois violentes dans le pays, deux ans après l'élection du président Enrique Peña Nieto.
Bien que la popularité de Peña Nieto soit retombée à 30% d'opinions positives, son Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) est parvenu à garder la majorité à la chambre des députés lors des élections de juin 2015.
Clemente Rodriguez, un autre parent de disparu, pense que la population s'est éloignée du mouvement car elle s'est laissée convaincre par la version des autorités.
- Dysfonctionnements judiciaires -
Après trois mois de silence, les parents des 43 étudiants ont décidé de reprendre leurs actions et "donner une impulsion" au rapport d'enquête indépendant, explique Rodriguez, coiffé d'un sombrero, tandis qu'il marche entre les gratte-ciel de la capitale.
De plus en plus esseulés, ces parents exigent un "suivi international" de l'enquête, selon l'avocat des familles Vidulfo Rosales.
Les experts de la CIDH ont mis en évidence "les énormes dysfonctionnements de notre système judiciaire, qui torture, fabrique ou camoufle des preuves", ce qui "incommode" fortement le gouvernement, analyse Denis Gonzalez, coordinateur du programme des droits de l'homme de l'université Ibéroaméricaine.
Le drame était devenu emblématique dans un pays où les violences liées au narcotrafic a fait 100.000 morts ou disparus au cours des dix dernières années.
"Ce n'est pas étonnant que la société ait fini par sombrer et prendre ses distances (...) devant la violence permanente de cette guerre démentielle" ajoute Gonzalez.
Les chaises de représentants de l'Etat mexicain étaient vides dimanche lors de la présentation par la commission indépendante de son rapport final face aux parents des 43 disparus et de plusieurs organisations des droits de l'homme.
Les experts ont émis une série de recommandations au gouvernement afin que l'enquête se poursuive et que les familles des victimes soient soutenues.
"Il est très important que le cas ne soit pas oublié, que la société mexicaine soit attentive au sort des victimes" indique à l'AFP Carlos Beristain, un membre espagnol de cette commission.
Il appelle les citoyens à continuer à suivre de près cette affaire. "Cela aidera les familles à ne pas se sentir seules et aidera à faire avancer l'enquête" conclut-il.
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