Dom Pérignon, Moët et Chandon, Krug, Ruinart, Veuve Clicquot. Entre Reims et Epernay, ces illustres appellations, propriété du numéro un mondial du champagne LVMH, perpétuent pour une petite partie de leur production le remuage manuel, phase cruciale pour débarrasser le précieux liquide des dépôts laissés par les levures de fermentation.
A 38 mètres sous terre, dans la pénombre humide d'une crayère, Cyril Guisant met moins de quinze secondes pour tourner d'un geste sec le culot de soixante bouteilles bien rangées dans leur pupitre en bois, avant de passer aux suivantes.
"On passe deux à trois fois par jour, on tourne les bouteilles de façon à faire un balancier pour ramener le dépôt vers le goulot. Et on travaille sur un pupitre comme on lit un livre, de gauche à droite, et de haut en bas", explique le "remueur" de Ruinart à Reims.
La plus ancienne maison de champagne, fondée en 1729, réserve ce remuage à la main à ses cuvées prestigieuses et aux "grands flaconnages", qui viennent de passer plusieurs années en maturation dans la fraîcheur de ses huit kilomètres de galeries creusées dans la craie, pour certaines dès le Moyen-âge.
"Il faut une dizaine d'années d'expérience à un +remueur+ pour savoir s'il tourne d'un quart, d'un huitième ou d'un seizième de tour la bouteille, à droite ou à gauche", estime Cyril Guisant.
Ce mouvement extrêmement précis s'effectue en fonction de la "lecture du vin": "on prend la bouteille et on analyse les sédiments pour voir par exemple s'ils sont collés ou pas, et on va se servir du gros du dépôt pour agglomérer les particules plus légères", résume Raphaël Joyon, "remueur" chez Krug, la seule maison à créer chaque année uniquement des cuvées de prestige.
- après le "remueur", le "dégorgeur" -
Raphaël Joyon estime qu'il reste "encore huit remueurs traditionnels en Champagne" à travailler pour les plus grands domaines, un gage de tradition pour l'image de ces maisons à l'heure où elles ont déjà automatisé de nombreuses tâches - contrairement aux toutes petites productions où les viticulteurs effectuent toujours de nombreux travaux manuellement, notamment le remuage.
Krug réserve le remuage manuel à environ "un cinquième de ses cols" indique à l'AFP Dorian Drancourt, le responsable de production, les autres bouteilles étant rangées tête-bêche par 300 ou 500 dans de gros caissons métalliques, les gyropalettes, dont le mouvement rotatif est programmé avec précision.
"Les vins sont très différents selon les années, ou selon si c'est du blanc ou du rosé, et les mouvements de remuage varient donc beaucoup selon les cuvées. Notre travail manuel sur un échantillon de bouteilles va aussi servir à programmer plus finement les machines pour le reste de la cuvée", explique Raphaël Joyon sous la voute en briques d'une des caves du site où Krug s'est installé dès 1843.
Après avoir été ainsi "éclaircies" pendant plusieurs semaines, les bouteilles passent entre les mains du "dégorgeur" qui va plonger le col dans un bain réfrigérant pour transformer le dépôt en glaçon, décapsuler la bouteille pour le laisser sortir et appliquer aussitôt le bouchon définitif. Le champagne est ensuite stocké pour une durée plus ou moins longue selon les maisons, puis commercialisé.
Les 20, 21 et 22 mai, Dom Pérignon, Moët et Chandon, Krug, Ruinart et Veuve Clicquot ouvriront au public une partie de leurs sites et de leurs caves à l'occasion des Journées Particulières organisées par LVMH, avec notamment des démonstrations de remueurs.
En 2015, le groupe de Bernard Arnault a expédié plus de 62 millions de bouteilles de champagne en France et à l'étranger, sa part de marché atteignant 20% du total des expéditions de la région Champagne.
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