"Les individus interpellés jeudi ont entre 15 et 30 ans", selon une source policière parisienne. "Il y a un peu de tout, des zadistes, des précaires, des squatteurs, des libertaires, ce sont des anarcho-autonomes", explique à l'AFP une autre source policière, soulignant que "quelques jeunes issus de banlieue viennent s'agréger".
Jeudi, durant la nouvelle journée de mobilisation contre la loi travail, des casseurs ont une nouvelle fois affronté les forces de l'ordre. Bilan: 124 personnes interpellées et 24 policiers blessés, dont trois grièvement.
Olivier Cahn, chercheur au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip), observe "deux types de groupes: les groupes autonomes habillés en noir, les +Black Blocs+, organisés, qui apparaissent tout à coup à l'avant du cortège pour en découdre avec les policiers. (...) Et des groupe de casseurs, constitués de gamins qui descendent de la périphérie de Paris ou Lyon et profitent de la manif pour casser".
Les groupes autonomes ont le "visage masqué, des lunettes de ski, des foulards, du produit pour les yeux: ils s'équipent pour évoluer sereinement au milieu des gaz lacrymogènes", raconte Patrice Ribeiro, du syndicat Synergie Officiers. "Certains viennent de pays voisins", affirme une source policière.
"Certains se déplacent même en colonne comme les policiers", dit-il. "Ils ont l'habitude, se connaissent, ont leurs codes. Lorsqu'il y en a un qui part, il n'est jamais seul", ajoute une source policière.
"Ils se professionnalisent", selon Fabien Van Hemerlick du syndicat Alliance, "ils peuvent cacher le matériel au préalable sur le parcours de la manifestation et se changer dans les toilettes publiques ou autres".
"Ils sont de plus en plus organisés, méthodiques. (...) Ils ont une technique qui se met au point pour enlever les pavés, pour récupérer du goudron, le stocker dans des sacs, dans des poubelles et ensuite attaquer au moment qu'ils choisissent les forces de l'ordre", expliquait jeudi soir le préfet de police de Paris, Michel Cadot.
- 'Devant les caméras' -
"Ce sont des techniques qui ont été élaborées dans les année 80 en Allemagne et qui réapparaissent. Ils veulent en découdre avec les policiers pour montrer que l'Etat ne tient pas la rue et susciter des images de la violence de la part de l'Etat devant les caméras", explique Olivier Cahn.
Impossible pour les forces de l'ordre de "fouiller tout le monde dans une manifestation" qui a réuni dans la capitale près de 15.000 manifestants (60.000 selon la CGT), selon Patrice Ribeiro, qui pointe aussi "la responsabilité des organisateurs".
Le syndicat Alliance met en cause une "frilosité des politiques", qui ont peur "qu'on parle d'un Etat policier" si on interpelle les casseurs avant qu'ils ne passent à l'acte. Même si, rappelle Alternative Police CFDT, il existe une loi permettant de contrôler et d’interpeller le cas échéant toute personne dissimulant volontairement son visage.
"Ce n'est pas si facile que ça", tempère une source policière. "Lorsqu'ils prélèvent les pavés, ils le font dans la masse de la manifestation, entre eux, et pour interpeller efficacement il faut des faits concrets, des vidéos".
"Aujourd'hui, les policiers ont une consigne de retenue, surtout quand c'est une manifestation avec des jeunes. Le politique craint une nouvelle affaire Malik Oussekine (étudiant mort sous les coups de policiers pendant une manifestation en 1986, ndlr)", selon Patrice Ribeiro, pour qui "les casseurs le savent et s'enhardissent, ils sont maintenant en tête de cortège".
A l'inverse, pour Olivier Cahn, "ce qui est nouveau c'est la manière dont l'Etat gère ces manifestations avec des nouvelles formes de maintien de l'ordre plus viriles. Ce qui provoque plus de confrontation".
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