S'il n'a pas participé dimanche aux tentatives de blocage de la route visant à ralentir des poids-lourds pour essayer de s'y introduire, c'est qu'il préfère garder ses forces pour la nuit prochaine.
"C'est la seule solution qui s'offre à nous, nous n'avons pas d'argent pour payer notre passage", affirme Abdul, la trentaine, bonnet vissé sur le front pour se protéger du vent glacial.
Depuis début avril, la rocade proche de l'autoroute A16 est régulièrement le théâtre nocturne d'escarmouches entre centaines de migrants et forces de l'ordre. Les premiers, selon un nouveau mode opératoire dénoncé comme "irresponsable" par les autorités, placent désormais des troncs d'arbre, voire des traverses de chemin de fer, sur la chaussée, les seconds font usage de gaz lacrymogène pour les en dissuader et les disperser.
Au petit matin, les groupes se disloquent et retournent dans la "Jungle" pour reprendre des forces et surtout dormir.
- Un démantèlement "qui n'a pas servi à grand chose" -
Un mois après le démantèlement des 7,5 hectares qui formaient la partie sud du camp, les allées sinueuses et surchargées de la partie nord du plus grand bidonville de France où des centaines d'abris ont été transférés, paraissent ainsi bien vides et calmes jusqu'au milieu de l'après-midi.
Le silence relatif de ce site, sur lequel s'entassent entre 3.500 et 5.000 personnes selon les sources, est seulement perturbé par une poignée de générateurs électriques servant à alimenter différents commerces et boutiques, pour la plupart afghans.
Même les "lieux de vie" (églises, école) préservés au sud mais isolés depuis dans un immense no man's land, parviennent encore à fonctionner.
"A part déshabiller Pierre pour habiller Paul, le démantèlement du sud n'a pas servi à grand chose. Toutes les tentes ont été déménagées de quelques centaines de mètres", ironise le président de l'Auberge des migrants, Christian Salomé.
Alors qu'il craignait voici quelques semaines encore un "effet cocotte-minute" avec une concentration humaine beaucoup plus importante dans un espace bien plus restreint, il concède que ses prédictions - à son grand soulagement - étaient erronées.
"Passés plusieurs jours avec quelques tensions, la vie a repris calmement son cours à l'intérieur du camp et tout le monde se fait à son nouveau voisinage", explique-t-il, estimant qu'un "esprit de solidarité" apparaît entre ces personnes "qui rêvent tous de la même chose: rejoindre l'Angleterre pour un meilleur futur".
- "Hausse sensible" de nouveaux migrants -
Mais les beaux jours arrivant, les passages en Méditerranée de migrants reprennent et Calais, situé "en bout de chaîne", voit arriver "des dizaines de nouvelles personnes" chaque jour, assure M. Salomé.
Ce que confirme Stéphane Duval, le directeur de la Vie active, l'association agréée par l'Etat pour gérer le centre de jour (et de nuit pour femmes et enfants) Jules Ferry et le Centre d’accueil provisoire (CAP) situés aux abords de la "Jungle".
"C'est clair qu'il y a une hausse sensible, mais pour le moment on est dans la maîtrise de l'effectif, même si on ne sait pas ce qui nous attend dans les semaines à venir", admet-il.
Du côté de l'Etat, on privilégie pour le moment le statu quo, comme pour ne pas envenimer la situation: aucune date n'a été arrêtée quant à un éventuel démantèlement de la partie nord.
Des signes d’apaisement sont aussi donnés pour renouer un dialogue rendu difficile après l'évacuation plus ou moins forcée des "habitants du sud": les chemins d'accès au centre Jules Ferry et au CAP ont été goudronnés, "facilitant l'accès aux services de secours", selon la préfecture, mais aussi aux associatifs. La préfecture a en outre donné son accord pour l'installation d'un terrain de football sur le désert du sud, encore vide en fin d'après-midi ce lundi.
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