"Nous sommes toujours inquiètes de ce qui peut se produire si un incendie éclate ou si l'immeuble s'effondre", dit l'une d'elles à l'AFP sous couvert d'anonymat. "Nous mourrons comme les employés du Rana Plaza".
Plus de 1.100 personnes avaient trouvé la mort lors de l'effondrement de ce complexe textile le 24 avril 2013, une catastrophe qui avait mis au jour les conditions de sécurité effroyables au Bangladesh, deuxième pays exportateur de textile au monde derrière la Chine.
Trois ans plus tard, une fraction seulement des 4.500 ateliers textiles ont reçu la certification de sécurité et les experts avertissent qu'un nouveau drame peut se produire à tout moment.
Si la sécurité de certaines grandes usines a été améliorée, la plupart des petits sous-traitants n'ont pas encore été inspectés et semblent peu soucieux de rénover leurs installations.
Lors d'une visite d'un complexe textile à Rampura en banlieue de Dacca, un journaliste de l'AFP a vu des employés serrés épaule contre épaule, par terre en train de coudre les étiquettes de marques occidentales sur des vêtements.
L'issue de secours dans la cage d'escalier était bloquée par une porte en fer tandis que des mégots de cigarette jonchaient le couloir.
Les quelques extincteurs présents dans l'immeuble, qui n'a pas encore été officiellement inspecté, étaient tous obsolètes.
"Nous savons que notre usine n'est pas sûre. Elle ne respecte pas les normes", dit une employée de 25 ans qui refuse de donner son nom par peur de perdre son emploi à Style Fashion Ltd, l'un des quatre fabricants textiles hébergés dans l'immeuble.
Selon le responsable de la production, Mohammad Khairuzzaman, les quatre ateliers appartiennent à des sous-traitants de fabricants locaux.
Les extincteurs "vont être bientôt changés", assure-t-il à l'AFP, ajoutant "qu'en cas d'urgence, nous ouvrirons la grille", actuellement cadenassée.
- L'effort sur la sécurité s'est essoufflé -
Le Bangladesh exporte pour 27 milliards de dollars de vêtements chaque année, le secteur employant quelque quatre millions de personnes, essentiellement des femmes.
Son bilan en termes de sécurité est pauvre. Un incendie dans l'usine de Tazreen à Dacca en 2012 a tué 111 salariés, nombre d'entre eux n'ayant pu s'échapper faute d'issue de secours.
"S'ils cherchent bien, ils trouveront partout des Rana Plaza", dit Israfil Hossain, un employé resté coincé dans les ruines du Rana Plaza après son effondrement.
Pendant les deux années après la catastrophe, cet employé de 25 ans a trop été traumatisé pour retravailler dans ce secteur, avant de se résigner à retourner dans un atelier de Dacca.
"Ces usines trouvent facilement des employés comme moi pour faire le travail. Nous avons besoin d'acheter à manger pour remplir nos estomacs".
Le drame du Rana Plaza a contraint les grandes marques américaines et européennes à améliorer les conditions de travail et de rémunération chez leurs fournisseurs.
Le gouvernement bangladais a relevé de 76% le salaire minimum des employés de la confection après le drame et a renforcé le code du travail pour permettre aux syndicats d'être présents dans les usines.
Mais l'effort sur la sécurité s'est essoufflé, les propriétaires d'usine traînant les pieds pour engager les travaux coûteux requis par les inspecteurs.
- 'Par chance personne n'est mort' -
"Un grave accident peut se produire à tout moment", estime Mesbah Rabin, directeur de l'Alliance for Bangladesh Worker Safety. "Il y a eu plusieurs incendies importants l'an dernier. Par chance, personne n'est mort".
L'Alliance, qui regroupe essentiellement des distributeurs américains et a été créée après la tragédie, n'a certifié que 24 des 700 usines qu'elle a inspectées.
Elle a mis fin à tout contrat avec 77 usines n'ayant pas pris les mesures nécessaires et a demandé au gouvernement d'en fermer 36 autres. Beaucoup reste à faire.
"Nous sommes très en retard sur le programme prévu dans les nombreuses usines qui ont été inspectées il y a un an ou deux", regrette Rob Wayss, directeur de l'Accord, pendant européen de l'Alliance.
Selon les autorités du Bangladesh, les plus de 1.500 usines inspectées doivent améliorer leur sécurité et des centaines d'autres petits ateliers doivent encore être examinés.
"Nous n'avons pas les fonds pour inspecter ces 800 usines qui ne sont enregistrées auprès d'aucun organisme professionnel", explique le chef des services d'inspections d'usines, Syed Ahmed, à l'AFP.
Le patronat, puissant, demande de la patience, promettant que les améliorations vont venir et justifiant le retard dans les travaux par le manque de fonds.
"Nous sommes persuadés de pouvoir achever l'essentiel des travaux d'ici fin 2016", assure Faruque Hassan, haut responsable de l'Association des fabricants et exportateurs d'habillement du Bangladesh.
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