Les quatre intellectuels n'ont pas été acquittés, mais libérés dans l'attente de possibles poursuites "selon l'article 301 du code pénal turc" relatif aux insultes envers la Turquie, l'identité turque et les institutions turques, ce qui nécessite l'aval du ministre de la Justice, a ajouté Benan Molu, avocate au barreau d'Istanbul.
La prochaine audience est fixée au 27 septembre, a indiqué Me Molu.
Détenus depuis le mois dernier, les universitaires comparaissaient pour "propagande terroriste" pour avoir lu en public et signé une pétition dénonçant des "massacres" imputés aux forces de sécurité turques pendant des opérations contre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans plusieurs villes sous couvre-feu.
Hasard du calendrier judiciaire, la troisième audience du procès à huis clos de deux journalistes du quotidien Cumhuriyet accusés d'"espionnage", Can Dündar et Erdem Gül, s'est déroulée juste avant celle des universitaires dans le même palais de justice d'Istanbul.
"Nous n'avons pas réussi à étouffer la voix de notre conscience", avait déclaré au tribunal l'un des universitaires, Muzaffer Kaya, cité par l'agence de presse Dogan. "Vous pouvez trouver notre pétition ridicule, mais vous ne pourrez jamais dire que nous faisons de la propagande terroriste. (...) Je demande mon acquittement".
Au moins 500 personnes, dont de nombreux universitaires, s'étaient rassemblées devant le bâtiment, a rapporté un journaliste de l'AFP, aux cris de "Liberté à nos stylos" et "Fiers de nos universitaires".
- 'Regrettez-vous d'avoir signé ?' -
En janvier, plus de 1.200 intellectuels turcs et étrangers avaient signé cette pétition, suscitant la fureur du président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan, qui avait promis que les pétitionnaires paieraient le "prix" de leur "trahison".
Dans la foulée, des procédures judiciaires avaient été déclenchées dans toute la Turquie et une vingtaine d'universitaires placés en garde à vue, ravivant dans ce pays comme à l'étranger les critiques sur les atteintes à la liberté d'expression sous M. Erdogan.
De nombreux universitaires ayant signé la pétition affirment avoir été limogés. Meral Camci, jugée vendredi, dit ainsi avoir perdu son poste à l'université Yeni Yüzyil en février.
"Les signataires sont appelés par des comités d'université et on leur pose des questions du genre (...) +pensez-vous que le PKK est une organisation terroriste ?+", a témoigné Teoman Pamukçu, professeur de université Technique du Moyen Orient d'Ankara et signataire de la pétition.
Le sud-est à majorité kurde de la Turquie vit à nouveau depuis des mois au rythme des combats meurtriers et quotidiens entre les forces de sécurité turques et les rebelles.
- 'Leur plan a volé en éclats' -
Le procès à huis clos de deux journalistes de Cumhuriyet s'est poursuivi avec une troisième audience vendredi. Can Dündar, son rédacteur en chef, et Erdem Gül, son chef de bureau à Ankara, sont accusés d'espionnage, de divulgation de secrets d'Etat et de tentative de coup d'Etat et risquent la prison à vie.
Au cours de cette audience, le tribunal a rejeté la demande de l'accusation qui voulait fusionner le dossier des journalistes avec une affaire d'écoutes massives impliquant d'anciens magistrats et des membres des services de renseignement soupçonnés d'être proches du prédicateur Fethullah Gülen, bête noire de M. Erdogan.
"Leur plan a volé en éclats. Nous sommes des journalistes et n'avons rien à voir avec cette affaire (...) Je pense que nous avons fait un pas de plus vers l'acquittement", s'est félicité à la sortie du tribunal M. Dündar. La prochaine audience de leur procès est prévue le 6 mai.
Le procès de ces deux journalistes reconnus, qui avaient fait état de livraisons d'armes par les services secrets turcs à des rebelles islamistes en Syrie, est devenu pour nombre d'ONG et d'opposants à M. Erdogan le symbole d'une liberté de la presse menacée.
La Turquie pointe à la 151e place sur 180 au dernier classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF), derrière le Tadjikistan et juste devant la République démocratique du Congo.
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