"Envahir la place de la République, et maintenant la garder, n'est pas une ?nalité: seulement un moyen. Mais pour faire quoi?" Plusieurs centaines de sympathisants, appelés à ne pas se contenter d'avoir bâti un "mini-îlot de révolte", en ont débattu mercredi soir à la Bourse du travail.
Au-delà de la remise en cause de la "démocratie bourgeoise", "il s'agit de se demander: +qu'est-ce qu'on fait dans les trois semaines à venir", a énoncé le journaliste et réalisateur François Ruffin, un des initiateurs du mouvement. Avant de proposer "un coup", à l'occasion de la fête du travail: "Je souhaite qu'on fasse un très gros 1er Mai, à la fois festif et politique, que la manif' se termine à République et qu'on fasse un meeting commun avec les syndicats qui sont opposés à la loi El Khomri".
"C'est une proposition quasi-historique, parce que cela veut dire revenir sur la fracture de Mai 68, on fait fonctionner la jeunesse et le mouvement syndical ensemble", a-t-il ajouté.
Un appel entendu par un responsable de la CGT à Grenoble, présent dans la salle, qui a apporté le "soutien moral" de la première centrale syndicale, tout en regrettant le manque "d'implication massive" de ses adhérents à Nuit debout.
Même si ce mouvement citoyen qui occupe la place de la République chaque soir depuis le 31 mars dépasse largement l'opposition initiale à la loi travail, cette réforme contestée reste en ligne de mire. Pour Leila Chaibi, autre initiatrice de la mobilisation, "on n'arrivera à développer ce mouvement que si on obtient des victoires, et la victoire qui est atteignable, c'est le retrait de la loi El Khomri".
- "Bobos parisiens" -
Au-delà du 1er Mai, des militants soulignent aussi la nécessité de ne pas réduire Nuit debout à un mouvement de "bobos parisiens".
"La banlieue est encore en minorité place de la République même si la banlieue ce n'est pas que les +non-blancs+. Le problème, c'est qu'il y en a beaucoup qui n'ont pas les moyens de se déplacer jusqu'à Paris. Et puis les AG, quand on est habitué à vivre dans l'urgence en banlieue, ça ne suffit pas pour mobiliser. Ce qu'il faut, ce sont des actions", explique à l'AFP Almamy Kanouté, militant associatif de Fresnes (Val-de-Marne).
En province aussi, la greffe est difficile: si des Nuit debout ont été organisées dans plus d'une cinquantaine de villes, elles n'ont pas réussi à s'y enraciner jusqu'ici, contrairement aux rassemblements parisiens qui réunissent chaque soir 1.000 à 2.000 personnes de source policière - jusqu'à 3.500 mercredi soir, lorsqu'un "orchestre debout" a joué la Symphonie du Nouveau Monde.
Le "coup" du 1er Mai sera attentivement scruté par les autorités, qui ont hésité entre répression des "débordements violents" (certaines fins de nuit ont été émaillées de violences et de dégradations en marge du mouvement) et laisser-faire à l'égard de manifestants qui refont le monde en toute autonomie (cantine à prix libres, radio libre, équipe médicale, permanence juridique...).
De source gouvernementale, on table sur la "lassitude", "dès lors que chaque soir, ça doit être à peu près la même chose", et on compare volontiers Nuit debout au mouvement altermondialiste du début des années 2000, qui a fini par s'essouffler.
Mais l'inquiétude est réelle, alors que François Hollande est au coude-à-coude dans certains sondages avec le ténor de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, qui qualifie Nuit debout de "formidable".
De nombreux militants sont cependant sans illusions sur des perspectives électorales: "Nous n'accepterons aucune récupération par quelque parti, syndicat ou même association que ce soit. Ces organisations nous ont trahis, on ne nous y prendra plus!", résume Pablo. "Nous ne sommes pas une force de proposition pour la présidentielle de 2017. Il faut rompre avec le consensualisme béat et assumer que nous sommes des citoyens révolutionnaires. La force des printemps arabes est d'avoir accepté une prise de position indéfectible, un +dégage!+."
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