"Le changement climatique a contribué à la propagation des moustiques," souligne Moritz Kraemer, qui étudie à l'université d'Oxford la dynamique des maladies infectieuses véhiculées par deux espèces sous les feux de l'actualité.
Ainsi l'aedes aegypti - le moustique de la fièvre jaune -, à ce stade principal vecteur de Zika. Ce virus, qui avait jusqu'ici peu fait parler de lui, s'est propagé au Brésil, en Colombie et dans les Caraïbes depuis fin 2014, générant des malformations chez les foetus et des troubles neurologiques sévères chez certains adultes.
Une deuxième espèce, l'aedes albopictus (le moustique tigre), venu d'Asie du sud-est, a colonisé le sud de l'Europe en 20 ans, amenant dengue et chikungunya, qui peuvent entraîner de la fièvre, des maux de têtes, des douleurs, et dans quelques cas, la mort.
Or, des tests en laboratoire ont montré que l'albopictus peut lui aussi porter le Zika. Le virus a d'ailleurs été retrouvé sur cette espèce en Afrique, au Gabon, notamment.
"La menace est de voir le virus Zika en Europe l'été prochain", estime Anna-Bella Failloux, virologue à l'Institut Pasteur.
"Nous avons déjà vu ce scénario se réaliser en 2010 avec la dengue et le chikungunya," rappelle-t-elle à l'AFP depuis son laboratoire, tandis qu'un assistant pose des souris blanches endormies dans un aquarium rempli de moustiques affamés.
Le virus s'étend à de nouvelles zones quand un moustique est infecté par un humain: par exemple "quelqu'un passe des vacances en Amérique du sud, est piqué et infecté par Zika," explique Mme Failloux. S'il rentre en Europe dans la semaine et est de nouveau piqué, cette fois par un albopictus, celui-ci peut se retrouver soudain vecteur.
- Reproduction accélérée -
Et c'est là que le réchauffement climatique empire la situation, car le moustique devient contagieux plus vite sous l'effet de la chaleur après sa contamination: le virus, d'abord contenu dans son système digestif, remonte dans la salive de l'insecte plus rapidement, venant ainsi infecter l'humain piqué.
"A des températures plus élevées, ce temps est raccourci", accroissant le risque que le moustique transmette la maladie avant de mourir (un moustique vit en moyenne une dizaine de jours, ndlr), explique Lyle Petersen, chercheur au centre nationale des maladies infectieuses de Fort Collins (Colorado).
De la même manière, les moustiques se reproduisent en plus grand nombre, car le réchauffement accélère l'incubation des oeufs: si la température de l'air passe de 25 à 28°C, la durée est ramenée de deux semaines à dix jours.
Et puis le virus lui-même prospère mieux quand il fait chaud.
Pour autant, le dérèglement du climat n'est pas le seul facteur d'essor de ces maladies, ni même le principal aujourd'hui, pointent les scientifiques.
"Cela compte, mais les échanges humains et commerciaux - en gros, la mondialisation - comptent encore plus", analyse Hervé Zeller, responsable au Centre européen pour la prévention des maladies.
Alors, en l'absence de vaccin ou de remède, dans l'immédiat, le meilleur moyen de freiner l'expansion de ces maladies est d'éviter de se faire piquer, préconisent les experts, au moyen d'insecticides ou encore de moustiquaires.
Des expériences sont aussi en cours, au Brésil ou encore en Floride, avec des moustiques génétiquement modifiés.
Une stratégie consiste à lâcher des mâles stériles. Une autre est de "favoriser l'immunité des femelles" (les seules à piquer) contre ce virus qu'elles ne pourront donc pas transmettre, explique Mme Failloux.
La chercheuse et ses confrères ont développé en laboratoire une femelle moustique tigre immunisée contre Zika. Mais à ce stade, elle n'est pas encore assez forte pour résister à la vie dans la nature, et finit par y mourir très vite.
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