"On n'était ni avec le régime syrien, ni avec les islamistes. On a quitté la Syrie parce que mon mari avait été convoqué pour rejoindre l'armée syrienne", raconte Nour, 30 ans, son petit Riad à côté d'elle.
Ils visaient la France, où Nour a fait une partie de ses études, mais ils ont d'abord dû traverser leur pays en guerre jusqu'à la Turquie, restant même retenus quelques jours dans la région de Raqa par le groupe Etat islamique (EI), auquel ils ont réussi à échapper grâce à un passeur.
"Entre la Turquie et la Grèce, si vous êtes rattrapés, ce n'est pas grave, vous êtes seulement quelques heures en prison. Mais, si vous êtes rattrapés en Syrie, vous pouvez être tués", témoigne Nour, qui se souvient aussi avec effroi des raids des aviations syrienne et russe.
Dans un port turc, son mari, 31 ans, raconte avoir été trompé par un passeur qui voulait le faire monter par gros temps avec 62 personnes à bord d'un bateau pneumatique prévu pour 40 personnes. "J'ai refusé", dit-il.
Mais la famille a passé l'épreuve de la mer, pour se retrouver coincée dans les méandres de l'administration à Lesbos. Arrivés avant l'entrée en vigueur de l'accord prévoyant le renvoi de tous les clandestins vers la Turquie, ils ne risquent pas de devoir reprendre la mer. Mais l'île grecque n'en devient pas moins une prison pour eux.
Jusqu'à ce que des représentants de la communauté catholique de Sant'Egidio ne commencent à évoquer un possible transfert vers l'Italie, sans parler du pape et de son avion, explique Hassan, le front légèrement dégarni et les yeux rieurs.
Encore maintenant, "on ne croit pas ce qui s'est passé, c'est comme un beau rêve", explique Nour. Dans l'avion, le pontife argentin est venu les saluer. "Il a caressé la tête de notre fils. Notre Riad embrasse maintenant sa photo."
- Nostalgie -
Silhouette fine, voix douce et grands yeux songeurs, les cheveux relevés en queue de cheval, elle répond aux journalistes dans la cour d'une école de langues de la communauté, qui les accueille dans le quartier romain du Trastevere en attendant que leur appartement prévu au Vatican soit prêt.
Hassan est certes rassuré d'être arrivé, il relève la "gentillesse" des Romains et répète qu'il ne manque plus de rien. Mais il ne peut s'empêcher de penser à ses proches qu'il a laissés là-bas.
"Vous pouvez trouver un nouveau lieu pour vivre, mais vous ne pouvez pas trouver une nouvelle famille", témoigne-t-il.
Le couple a la nostalgie de la Syrie d'avant la guerre, quand chrétiens et musulmans de toutes confessions cohabitaient en paix.
Pour Hassan et Nour, musulmans comme les deux autres couples invités par le pape, le geste du chef de l'Eglise catholique est d'autant plus fort que les responsables musulmans sont loin de faire de même.
"Aucun religieux musulman, aucun président n'a ressenti nos souffrances. Il n'y a aucun religieux musulman qui a fait la même chose que le pape. Et pourtant, ils ont les moyens, l'argent. Je pense aux pays du Golfe. Ils ont tous les moyens d'accueillir les réfugiés syriens mais aucun ne l'a fait", s'emporte la jeune femme.
Hassan et Nour ont pris leur premier cours d'italien dès dimanche et disent vouloir s'intégrer dans le pays, une fois obtenu l'asile politique. Mais tout à leur présent improbable, ils n'ont pas encore eu le temps de faire des projets pour l'avenir.
"Je souhaite que mon fils puisse avoir un avenir comme ce que j'avais eu avant la guerre", confie seulement Nour.
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