"Quoi tu ne connais pas Poulidor ?!" Une adolescente, incrédule, apostrophe son camarade venu l'accompagner à une séance de dédicaces avec "l'éternel second" sur le village-départ de Paris-Roubaix, samedi dernier à Compiègne.
Sur le stand de la banque dont "Poupou" est l'ambassadeur depuis plusieurs années, la foule se presse tout l'après-midi pour une photo ou un autographe, alors qu'au même moment les stars de la "reine des classiques" Peter Sagan, Fabian Cancellara et Tom Boonen sont présentés au public.
"C'est inexplicable, cela fait 50 ans que j'ai arrêté le vélo !, confie Poulidor à l'AFP. Ce qui est extraordinaire, c'est que pour les gens qui m'abordent, je ne dois pas vieillir. Ils me voient encore en coureur, comme sur la photo où j'avais 24 ans avec le maillot Mercier que je signe."
"Je ne l'ai jamais vu courir", avoue Laurent, 40 ans, venu rencontrer en famille "Poupou". "Mais mon père m'en avait beaucoup parlé et maintenant j'essaye de transmettre le +virus+ à mon fils de 10 ans."
Plus connu pour n'avoir jamais réussi à porter le maillot jaune sur le Tour en 14 participations, que pour son record de présence (18) à Paris-Roubaix, Poulidor a su conquérir les coeurs des Français, à travers les âges, davantage "par sa gentillesse et sa disponibilité" que par son palmarès (Tour d'Espagne 1964, Milan-Sanremo, Flèche Wallonne, Paris-Nice...).
Même un groupe de rock amiénois créé en 2009, les "Poulidoors", a choisi de porter son nom en guise d'hommage.
"Cette popularité, c'est magique!", explique à l'AFP Sophie Moressée-Pichot, responsable sponsoring chez LCL. C'est un vrai succès populaire, il touche les parents, les grands-parents et même les arrière grands-parents. On voit vraiment que ce sont des instants de bonheur pour les gens."
-'J'ai eu beaucoup de chance'-
Au-delà de la "vox populidor" selon l'expression de l'écrivain-chroniqueur Antoine Blondin, le Limousin a marqué l'histoire du sport français. Avec une image forte: son duel légendaire avec Jacques Anquetil lors du Tour 1964 où il laisse échapper le gain du maillot jaune après de nombreux épisodes malchanceux.
"Ce qui m'est arrivé au Tour 1964, c'est invraisemblable, répète-il avec regret. On dit que j'ai perdu le Tour dans le Puy-de-Dôme (Poulidor avait enfin réussi à distancer Anquetil, mais pas assez pour prendre la tête du classement général, ndlr). Ce n'est pas vrai je l'ai perdu tous les jours."
Le pire souvenir de sa carrière ? Pas du tout. "Sans hésitation le Tour 1968", où il fut renversé par un motard alors que la victoire lui semblait promise.
"L'autre jour on a évoqué l'accident du coureur belge décédé (Antoine Demoitié, ndlr) mais on a oublié de me citer", fait-il remarquer. "On a dit à l'époque: +Bon c'est la malchance, c'est la malchance+. Je dis non. C'est le contraire j'ai eu beaucoup de chance. J'aurais pu être comme le Belge et rester sur la route".
Car finalement, ne jamais avoir porté le maillot jaune ne constitue pas un crève-coeur. Au contraire. "Cela a fait ma gloire. J'aurais gagné deux ou trois Tour de France, je ne serais pas là aujourd'hui. On ne parlerait pas de moi", s'amuse-t-il.
Avant de replonger dans le jeu des selfies avec ses fans, "Poupou" s'enthousiasme devant le renouveau du cyclisme tricolore. "Jamais nous n'avons eu une nouvelle génération de jeunes coureurs avec autant de valeur", lâche-t-il, citant Nacer Bouhanni, Arnaud Démare, ou Thibaut Pinot.
Son chouchou ? "J'aime bien Romain Bardet, je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce ma femme (Gisèle) est aussi une Bardet", glisse-t-il amusé avant de citer Peter Sagan car "tout le monde est content quand il gagne" et "il fait l'unanimité" auprès des passionnés. Mais le champion du monde est encore loin de la "Poupoularité".
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