Les peshmergas, depuis les collines qui surplombent la vallée du Tigre, sont en première ligne dans la campagne qui se prépare pour la reconquête du fief des jihadistes.
Près de 200 "FS" (forces spéciales françaises) les forment à repérer et neutraliser les engins explosifs improvisés (IED), dont les jihadistes ont fait leur arme favorite, et à faire face à une menace plus nouvelle et plus insidieuse encore, les armes chimiques.
"La quantité d'IED est invraisemblable, c'est du jamais vu sur un théâtre d'opérations. Les +zones de contact+ (avec l'ennemi) en sont saturées. Leur fabrication est devenue industrielle", explique Fred, fort de son expérience en Afghanistan, rencontré près de la ligne de front.
Règle de base des forces spéciales, leurs commandos ne déclinent ni leur identité, ni leur grade et se présentent sous leur nom de guerre ou un prénom d'emprunt.
Les IED remplacent les mines dont les jihadistes manquent cruellement malgré les stocks d'armes sur lesquels ils ont mis la main lors de leur grande offensive de 2014, ponctuée par la conquête de larges pans du territoire irakien.
- Armes chimiques -
Ces explosifs, qu'ils soient dissimulés dans des objets, enfouis dans le sol ou embarqués dans des voitures bélier fonçant sur des checkpoints, sont la terreur du combattant d'en face.
Les abords de Mossoul en sont truffés -"On peut imaginer plusieurs lignes d'IED autour de la ville", souffle un militaire français- tout comme les immeubles et maisons que les jihadistes abandonnent dans leur retraite.
"On retrouve un peu ce qui s'était passé au Cambodge avec les champs de mines. C'est dangereux pour les peshmergas et, après la reconquête, pour les gens qui voudraient retourner chez eux", résume Fred.
Bruno, "conseiller NRBC" (nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique), apprend à ses interlocuteurs kurdes comment se prémunir contre des attaques chimiques, un risque de plus en plus prégnant même s'il reste contenu.
Plusieurs attaques de ce type ont été recensées ces derniers mois. "Les peshmergas ont encore à l'esprit les gazages de Saddam Hussein (contre la population kurde de la ville de Halabja en 1988). Daech joue là-dessus et cherche à les maintenir dans la crainte" pour affaiblir leur détermination, raconte Bruno.
Les Kurdes doivent apprendre à "dédramatiser le risque", "évaluer la menace", ajoute-t-il. Tous les nuages jaunes ne sont pas du gaz moutarde, note un autre militaire français, en pointant les "risques de débandade" en cas d'alerte.
- 'Premiers remparts' -
"L'EI ne semble pas maîtriser le savoir-faire +toxique+ et le risque de l'obus (tiré) reste souvent plus fort que le risque chimique lui-même", esquisse Fred.
Pour toutes ces missions de conseil -y compris le maniement de canons de 20 mm livrés par Paris-, les forces spéciales françaises vont avec les peshmergas jusque sur la ligne de front, à quelques kilomètres seulement de Mossoul.
"Le but n'est pas de se substituer à eux, car ils savent exactement ce qu'ils veulent, mais de les aider à mettre en oeuvre concrètement les techniques apprises, de les conseiller au plus près", souligne un autre commando français.
Les forces spéciales françaises en font-elles plus ? Mènent-elles des missions de renseignement derrière la ligne de front ? Vont-elles au "contact" des jihadistes, comme les Canadiens qui ont participé à une contre-offensive kurde contre l'EI en décembre ?
Silence radio. Le ministère français de la Défense ne communique pas sur les opérations "FS". Et sur le terrain, les commandos se fondent dans le décor, évoluant dans des tenues et voitures banalisées.
"Vous êtes nos premiers remparts (face à la menace jihadiste). Vous prenez des risques au plus près de la ligne de front (...), votre mission est loin d'être achevée", a simplement relevé le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, en leur rendant visite mardi en Irak.
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