Ils sont une trentaine de prisonniers dans deux centres pénitentiaires de Lima, San Pedro pour les hommes et Santa Monica pour les femmes, à confectionner ces chemises, vestes et pantalons au style "streetwear".
Thomas Jacob, un Breton âgé de 29 ans et passé par une école de commerce à Paris, est à l'origine de ce projet de réinsertion de ces détenus par la couture. La marque qu'il a lancée s'appelle "Pieta".
Il explique à l'AFP avoir eu "une révélation" en 2012 en accompagnant un ami qui donnait des cours de français dans la prison de San Pedro: "J'ai proposé aux autorités pénitentiaires de monter un atelier de confection de vêtements dans la prison en tant que projet professionnel", en faisant le pari que les détenus seraient intéressés par le fait de rentabiliser leur temps en prison.
On lui accorde alors l'accès à l'intérieur de la prison de San Pedro et il renonce à son travail pour Chanel - la marque de luxe interrogée par l'AFP souligne avoir collaboré avec Thomas Jacob "sur quelques missions ponctuelles".
Un an plus tard, le projet aboutit à un produit "de haute qualité et compétitif" réalisé par les détenus, raconte le jeune entrepreneur.
"Pieta" s'inspire d'une sculpture de Michel-Ange qui "représente la dernière étape avant la résurrection, une renaissance de l'homme qui ne se rend pas. C'est l'espoir des prisonniers", explique le Français, qui se dit "inspiré par la prison, le côté obscur de l'être humain".
Lui se charge du design et les détenus de la confection des vêtements.
"L'idée, c'est que tout soit fait en prison", souligne Thomas Jacob, tandis qu'un groupe de détenus présente la collection 2016, qui sera vendue sur internet.
- 'Fiers et utiles' -
Les coupes et le design des vêtements, fabriqués avec "du coton organique et des matériaux naturels" s'inspirent notamment du constructivisme russe et de motifs industriels ou rappelant l'univers carcéral: usines, cadenas, hauts-parleurs, machines à coudre... tandis que le logo de "Pieta" représente des barreaux de prison.
La marque s'écoule depuis 2013 à New York et à Paris. En moyenne, 100 t-shirts sont produits par semaine et près de 13.000 ont été commandés par des clients en trois ans, indique le jeune créateur.
"Il y a une bonne ambiance entre les détenus et Thomas a su gagner notre estime. Il nous laisse prendre des décisions. On apprécie beaucoup ça", confie Santos Arce Ramos, 46 ans, chargé de la découpe des toiles et qui purge une peine de prison de 18 ans pour vol aggravé.
"C'est comme un puzzle", ajoute-t-il à mesure qu'il découpe les modèles sur une table rustique dans le "laboratoire", un atelier de 50m2 situé au sein du "pavillon industriel", une zone de la prison qui s'appelait déjà ainsi avant le lancement de l'atelier de confection.
Ce secteur fut, il y a trente ans, le théâtre d'une mutinerie parmi les plus grandes d'Amérique latine - plus d'une centaine de prisonniers de la guérilla maoïste du Sentier Lumineux perdirent la vie au cours d'affrontements avec la police.
On y trouve désormais une demi-douzaine de machines à coudre et deux tables improvisées pour assembler les vêtements avec le matériel que leur apporte Thomas deux fois par semaine.
Les prisonniers reçoivent chacun un pourcentage des ventes, ce qui leur permet d'aider leurs familles, raconte à l'AFP Carlos Uribe, 67 ans, le responsable des imprimés. Il a déjà purgé 12 des 15 années de prison qu'il s'est vu infliger pour trafic de drogue après la découverte de quatre tonnes de drogue dans son bateau.
"Nous avons besoin de gens comme Thomas qui misent sur nous. Nous sommes une main d'oeuvre potentielle. Travailler nous aide à nous sentir fiers et utiles et à envoyer de l'argent à nos familles. On n'est pas improductifs", dit-il.
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