Depuis une semaine, chaque soir, des centaines de personnes se retrouvent sur la place de la République à Paris pour dénoncer la précarité, le mal logement, les "violences policières", la corruption, la collusion des élites...
Et ce mouvement, baptisé "Nuit Debout" a gagné de grandes villes de province, et se répand en Belgique avec un rassemblements mercredi soir à Bruxelles et plusieurs prévus jeudi soir.
"L'idée, c'est de recréer une agora dans l'espace public", résumait Marc, 26 ans, qui a passé la nuit de mercredi à jeudi sur la place du Capitole à Toulouse (sud-ouest). "On veut exprimer un ras-le-bol général, contre la société, le gouvernement. Reprendre la politique entre nos mains."
Dans un autre registre, le ministre de l'Economie Emmanuel Macron, 38 ans, annonçait lors d'une "rencontre citoyenne" le lancement d'un nouveau mouvement "ni à droite, ni à gauche" intitulé "En marche".
Le ministre, un franc-tireur qui incarne le virage "social-libéral" du gouvernement socialiste, "est le seul homme politique qui propose quelque chose de transpartisan et quand on est jeune, on a du mal à se mettre dans les cases droite/gauche", commentait Pierre Wolff, à l'issue d'un débat organisé à Amiens (nord).
Mais si le président François Hollande a affiché sa sérénité, saluant un ministre qui "veut dialoguer avec les citoyens", le Premier ministre Manuel Valls a critiqué l'initiative, jugeant "absurde" la création d'un mouvement "ni droite ni gauche".
Le premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis a pour sa part estimé que si M. Macron "contribue à élargir la majorité, son apport est positif", mais "s'il veut changer le centre de gravité de la gauche, il fait fausse route".
La ministre de l'Education Najat Vallaud-Belkacem a elle salué "tout ce qui peut ramener à la politique des gens qui s'en sont éloignés".
Emmanuel Macron, ancien banquier d'affaires devenu le poulain de François Hollande, ne s'adresse pas au même public que les militants de "Nuit Debout", dont il est l'une des bêtes noires et qui se recrutent plutôt dans la gauche radicale.
Leurs visions du monde sont également antagonistes, mais leurs mouvements se nourrissent d'un même "ras-le-bol" d'une classe politique "usée".
- "Hyde Park ou Puerta del Sol ?" -
Ce désamour des Français pour leurs dirigeants se retrouve dans les sondages: le président François Hollande n'a que 15% d'opinions positives, quand le chef de l'opposition de droite Nicolas Sarkozy "inquiète" 61% des Français.
Dans les urnes, le rejet des partis classiques se traduit par une progression constante de l'abstention (50% au premier tour des régionales de décembre) et du vote pour l'extrême droite (28% au même scrutin).
Dans ce contexte de tripartisme favorable à une recomposition de l'échiquier politique, les mouvements "Nuit Debout" et "En Marche" sont suivis de près.
Des responsables de la gauche radicale sont passés place de la République, tout comme le Premier secrétaire du parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis.
"C'est le printemps de la repolitisation", a salué ce dernier. Il a néanmoins relativisé, évoquant "plus Hyde Park que la Puerta del Sol dans le moment présent".
Le mouvement "Occupy Wall Street", né en 2011 à New York pour dénoncer le monde de la finance, s'était rapidement propagé à d'autres villes américaines, mais sans hiérarchie, ni revendications claires, il avait fini par être délogé par la police.
En Espagne, l'occupation de la place madrilène de la Puerta del Sol par des militants anti-austérité et anti-corruption a au contraire permis l'émergence du parti de gauche radicale Podemos, qui a remporté 20% des voix aux législatives de décembre.
"Personne ne sait ce que ça va donner", reconnaît Hegoa Garay, qui participe aux "Nuits debout" à Toulouse. Mais "c'est un espace de discussion dont nous avons extrêmement besoin".
Quant à "En Marche", son avenir n'est guère plus clair, les partis centristes ayant toujours eu du mal à s'inscrire dans la durée en France.
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