Ça se bouscule depuis lundi dans les salles de dégustation. Négociants, importateurs, critiques ou cavistes attendaient depuis longtemps pour se faire leur propre opinion du millésime 2015 qui a bénéficié de conditions de maturation rares avec une météo idéale. Et sans surprise, l'éloge le dispute à la dithyrambe.
"C'est le meilleur que j'ai jamais dégusté. Les vins sont jeunes mais déjà très accessibles avec un formidable fruit. Ce millésime est exceptionnel", assure Neil Pendock, propriétaire d'une cave à vins à Capetown (Afrique du sud).
"Ce 2015 est réussi dans toutes les appellations du Bordelais, avec certes quelques petites inégalités. On a de très beaux vins blancs, étincelants, et des rouges qui sont soyeux, croquants avec beaucoup de fruit et d'élégance. Il est dans la lignée des derniers grands, les 2005, 2009 et 2010", abonde Stéphane Toutoundji, ?nologue, co-associé au laboratoire de conseil aux propriétés viticoles, Oenoteam.
"Il y a de quoi s'enthousiasmer, c'était de grands raisins et c'est un grand millésime avec des vins précis, meilleurs que ceux que l'on a jamais fait", confirme l??nologue mondialement réputé Michel Rolland. "Pour le comparer dans l'échelle des grands millésimes, on a la puissance des 2005, des tanins très soyeux, de la densité et de la belle longueur et la rondeur et le charme solaire des 2009", esquisse-t-il.
Si les primeurs, c'est-à-dire la vente à des négociants suivant des contrats d'exclusivité puis la revente immédiate à des particuliers qui ne recevront leurs vins que lors de la mise en marché d'ici 18 mois à un tarif généralement supérieur à celui qu'ils auront payé, ne concerne qu'environ 150 crus classés de Bordeaux, soit 2% de la production, toute la filière entend profiter de l'aura médiatique suscitée pour clamer haut et fort que le 2015 est "bon partout".
- Bon dans toutes les appellations -
"La force de Bordeaux c'est les terroirs, les vignerons. C'est la région avec le meilleur rapport qualité-prix au monde. Tous les 2015 sont de très belle facture tant sur les petites que les grandes appellations", assure Stéphane Toutoundji, dont la société est spécialisée dans ces vins à partir de 10 euros et qui "conseille au grand public de se pencher sur ce millésime un peu béni des dieux".
"L'avantage des grands millésimes fait que chacun dans sa catégorie a fait de très bons vins. Le problème c'est que l'on focalise toujours sur le top Bordeaux, les classés, mais il y a de très bons vins à des prix très abordables à Bordeaux, il faut le dire plus", s'accorde à dire Michel Rolland.
Néanmoins, ce seront les notes des critiques les plus influents qui détermineront pour partie le marché. Elles sont attendues dans la foulée des dégustations et les grands crus classés fixeront, fin mai, le prix de leurs bouteilles. Et qui dit millésime exceptionnel, dit aussi augmentation des prix. Mais "attention de pas casser le magnifique jouet des primeurs" prévient un courtier influent de la place bordelaise, chargé d?authentifier les transactions entre propriétés et négociants et qui appelle les propriétaires "à la mesure".
Car depuis la flambée des prix sur les millésimes 2009 et 2010, en grande partie conséquence de l'intérêt de nouveaux acteurs chinois, la qualité des millésimes suivants n'était pas au rendez-vous alors que les prix sont restés démesurément hauts.
Cependant, cette année était remarquée la présence de nombreux Américains, grands acheteurs de Bordeaux en primeurs lors de grands millésimes.
"Sur ce 2015, les Américains seront intéressés. Le marché des cadeaux en Chine, qui avait porté les primeurs 2009 et 2010 s'est, lui, effondré. Mais les conditions sont là pour que tout le monde fasse de très bonnes affaires", juge Olivier Bernard, président de l'Union des grands crus de Bordeaux, organisatrice de cette semaine des primeurs.
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