C'est le premier "scalp" obtenu par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), dont les membres dévoilent depuis dimanche les pratiques financières et fiscales à tout le moins opaques de personnalités, chefs d'Etat, entrepreneurs, sportifs, banques... tout un éventail de clients du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca, spécialisé dans la domiciliation offshore d'entreprises.
Les services du Premier ministre ont entretenu la confusion mardi, en indiquant que M. Gunnlaugsson n'avait pas démissionné, contrairement à ce qui avait été annoncé auparavant par Sigurdur Ingi Johannsson, vice-président du Parti du progrès (au pouvoir) et ministre de l'Agriculture, mais s'était "provisoirement" mis en retrait.
M. Gunnlaugsson faisait face à la bronca depuis dimanche et les révélations sur des millions de dollars qu'il a détenus via une société ayant son siège aux îles Vierges britanniques, appelée Wintris, avec son épouse, riche héritière.
Des milliers d'Islandais - mobilisation massive à l'échelle de ce petit pays - avaient réclamé sa démission lundi soir à Reykjavik.
L'affaire est extrêmement sensible dans un pays marqué par les excès des années 2000, pendant lesquelles un secteur financier euphorique ainsi que ses dirigeants et ses cadres usaient et abusaient des sociétés écrans. L'économie avait ensuite été terrassée par la crise financière en 2008.
Depuis dimanche, les médias participant à l'ICIJ distillent les noms des clients qu'ils ont trouvés en épluchant plus de 11 millions de documents, provenant du cabinet d'avocats Mossack Fonseca et transmis par un lanceur d'alerte dont l'identité reste secrète.
- 'Un énorme problème' -
Le cabinet a affirmé mardi avoir été victime d'un piratage informatique opéré depuis des serveurs étrangers et avoir porté plainte lundi à ce sujet. "Personne ne parle du piratage et c'est le seul crime qui a été commis", s'est offusqué Ramon Fonseca Mora, directeur et cofondateur du cabinet.
Le Panama a lui riposté aux accusations du secrétaire général de l'Organisation pour la Coopération et le Développement Économique (OCDE), qui l'avait lundi qualifié de "dernière grande place" offshore, en dénonçant des accusations "injustes et discriminatoires".
"De toute évidence, (vous) utilisez l'information émanant du récent rapport diffusé par les médias internationaux pour déformer les faits et ternir la réputation du pays", a écrit mardi le vice-ministre panaméen des Affaires étrangères, Luis Miguel Hincapié, dans une lettre à Angel Gurria.
Le Premier ministre britannique David Cameron était aussi sous pression mardi, mais dans des proportions bien moindres.
Son père Ian, aujourd'hui décédé, ayant dirigé un fonds d'investissement dont le siège est aux Bahamas et dont les profits ont échappé au fisc britannique à la suite d'un montage effectué via Mossack Fonseca, le chef de l'opposition travailliste Jeremy Corbyn a demandé "une enquête indépendante".
Le Premier ministre Pakistanais, Nawaz Sharif, dont la famille est éclaboussée, a annoncé mardi la création d'une "commission judiciaire" qui "tranchera sur la réalité et sur le poids de ces allégations".
Réagissant à ces révélations, le président américain Barack Obama a considéré que "l'évasion fiscale est un énorme problème", insistant sur la nécessité de durcir les législations en vigueur et de renforcer la coopération internationale.
A cet égard, le gouvernement français a annoncé mardi qu'il réinscrivait le Panama sur sa liste des paradis fiscaux. Et le pays d'Amérique centrale a aussitôt annoncé envisager des représailles économiques contre la France.
- Marchand d'armes et nucléaire -
Le président de la Fifa, Gianni Infantino, était mis en cause pour avoir signé des contrats avec une société offshore pour céder des droits télévisés en dessous des prix du marché alors qu'il travaillait à l'UEFA, selon le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung.
Le procureur général de l'Equateur, Galo Chiriboga, chargé de l'enquête du Fifagate dans le pays, a annoncé qu'il demanderait qu'une investigation soit menée à son sujet après que son nom est apparu dans les "Panama papers".
La Bolivie a elle demandé à l'ICIJ des informations sur les entreprises ou personnalités boliviennes citées dans les documents sur le scandale d'évasion fiscale, tandis que le Costa Rica a annoncé qu'il allait enquêter sur les personnes et entreprises mentionnées dans les "Panama papers".
Le quotidien français Le Monde a placé la banque française Société Générale dans le top 5 des banques qui ont eu le plus recours à Mossack Fonseca pour créer des sociétés offshore (une pratique qui n'est pas illicite), derrière HSBC, UBS, Crédit Suisse.
Les médias britanniques BBC et The Guardian font aussi état d'activités allant au-delà de la simple évasion fiscale, affirmant qu'une société écran nord-coréenne utilisée pour financer le programme nucléaire de Pyongyang a figuré parmi les clients de Mossack Fonseca.
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