Des foules de sympathisants du Parti des travailleurs (PT) au pouvoir ont manifesté "en défense de la démocratie" sous le slogan "Il n'y aura pas de coup d'Etat!".
Symboliquement convoquées à la date du 52e anniversaire du coup d'Etat militaire de 1964 au Brésil, dans une trentaines de villes du géant d'Amérique latine, ces manifestations ont rassemblé 149.000 personnes selon la police et 728.000 selon les organisateurs, d'après des estimations encore incomplètes compilées par le site d'informations G1.
La gauche brésilienne espère que sa mobilisation contribuera à influencer les députés qui hésitent encore à voter pour ou contre la destitution de la dirigeante de gauche, lors d'un vote crucial attendu mi-avril.
L'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), prédécesseur et mentor politique de Mme Rousseff, n'est finalement pas apparu comme annoncé à la manifestation dans la capitale Brasilia, qui a rassemblé environ 50.000 personnes devant le Congrès des députés.
- Lula gagne une manche -
Mais l'ex-président, soupçonné de corruption dans le cadre du scandale Petrobras, a remporté une victoire dans son bras de fer avec le juge Sergio Moro.
Le Tribunal suprême fédéral (STF) a en effet retiré au moins provisoirement des mains de ce juge anticorruption le volet de son dossier concernant Lula, car il contient des écoutes téléphoniques où apparaissent la présidente Rousseff et des ministres protégés de la justice ordinaire par leur immunité.
Dans la rue, au parlement, au palais présidentiel: le camp de la présidente se démène sur tous les fronts pour faire échouer ce qu'il qualifie de tentative de "coup d'Etat institutionnel".
La menace pesant sur cette ex-guérillera marxiste torturée sous la dictature militaire s'est dramatiquement accrue mardi quand le grand parti centriste PMDB a claqué avec fracas la porte de sa coalition chancelante.
Le PMDB fait le jeu de son dirigeant, le vice-président Michel Temer, qui succèderait à Mme Rousseff jusqu'aux élections de 2018 si la procédure allait à son terme.
L'opposition reproche à Mme Rousseff d'avoir fait supporter par des banques publiques des dépenses supplémentaires non-inscrites au budget, en 2014 et 2015.
Elle aurait ainsi sciemment maquillé les comptes publics pour dissimuler l'ampleur des déficits et favoriser sa réélection en 2014, se rendant coupable d'un "crime de responsabilité" prévu par la Constitution.
- Grand marchandage-
"Tous les gouvernements antérieurs auraient alors dû être destitués, car tous, sans exception, ont eu recours à ces pratiques", a rétorqué dans la matinée Dilma Rousseff, qui s'était entourée d'artistes acquis à sa cause à la présidence.
Le ministre du Budget Nelson Barbosa s'est efforcé de convaincre la Commission spéciale d'impeachment que ces tours de passe-passe budgétaires n'avaient rien d'illicite.
Mais la partie se joue surtout dans les coulisses du Congrès des députés, où camp gouvernemental et camp pro-impeachment courtisent les élus hésitants disposés à se vendre au plus offrant.
Mi-avril, l'opposition devra obtenir les voix de 342 députés sur 513 - deux tiers - pour que la procédure se poursuive ensuite au Sénat, faute de quoi elle serait automatiquement enterrée.
"La stratégie est double: essayer de recomposer une base parlementaire alliée et empêcher le PMDB d'obtenir 342 votes", a commenté une source gouvernementale à l'AFP.
En clair, la gauche en difficulté drague les députés des partis divisés du "grand centre" mou de sa coalition.
Il leur fait miroiter des ministères, la redistribution des quelque 600 postes contrôlés jusqu'alors par le PMDB dans la machine gouvernementale. Mais aussi la libération de budgets fédéraux pour financer des projets dans leurs circonscriptions où se disputeront les élections municipales en octobre.
Le camp de l'impeachment courtise les mêmes élus en leur promettant à son tour des postes dans un futur gouvernement de transition. Ce grand marchandage devrait durer jusqu'à la veille d'un vote qui s'annonce indécis jusqu'au bout.
Plusieurs juges du tribunal suprême ont défendu ces derniers jours la légalité du processus d'impeachment, estimant ne pas avoir à intervenir dans la décision souveraine des parlementaires tant que les règles constitutionnelles étaient strictement observées.
Mais un autre membre du STF, Marc Aurelio Mello, a estimé au contraire que le pouvoir judiciaire, "dernier rempart des citoyens", devrait avoir son mot à dire. Car "sans incrimination juridique soutenant le processus d'impeachment, ce processus ne rentre pas dans le cadre légal et ressemble à un coup d'Etat", a-t-il estimé.
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