Pour les passionnés, le cassoulet, c'est presque une religion. Avec ses prêtres. Comme Prosper Montagne qui écrivait en 1929 dans "Festin occitan": "Un Dieu à trois têtes de la cuisine occitane, Castelnaudary le Père, Carcassonne le fils, et Toulouse le Saint-Esprit".
"Il y a autant de recettes que de cuisiniers", constate Jean-Louis Malé, Grand-maître de la Confrérie du cassoulet. "On met du confit d'oie ou de canard à Castelnaudary, de la saucisse et du mouton à Toulouse et, en saison, de la perdrix à Carcassonne", précise Pierre Poli président de l'Académie universelle du cassoulet.
"Selon le lieu, la saison, les haricots ou +lingots+", la viande, le cassoulet change de goût. Il y a l'amour que l'on y met", renchérit Jean-Claude Rodriguez, chef du Château Saint-Martin à Carcassonne, rappelant que c'était "un plat de pauvres", un ragoût de haricots enrichi de couenne de porc et d'un bout de viande.
Aux yeux des puristes, la tradition doit être inaltérable. Ils ne digèrent pas les versions dérivées. Comme le cassoulet aux poissons (morue), plus léger que l'original qu'Antoine Caramelli (Le Lautrec à Albi) surnomme le "cassoulet de l'hérétique", réhabilité d'une vieille recette albigeoise.
Ils hurlent "au sacrilège" face aux iconoclastes et leurs pizzas, crêpes au cassoulet... ou cassoulet glacé. En 2011, on avait frôle l'émeute sur le marché de Castelnaudary lorsque deux Britanniques avaient vendu en caméra cachée "le cassoulet d'Harry", à la menthe et à la marmelade d'orange présenté comme... le vrai.
Trouver l'origine du cassoulet, qui tient son nom de la cassole, le large plat en terre cuite où les ingrédients préparés à l'avance sont installés dans le four pour la cuisson finale, est impossible. Aucune preuve. La légende raconte que menacés de famine, les habitants de Castelnaudary assiégés pendant la Guerre de Cent ans par les Anglais, auraient mis en commun tout ce qu'ils pouvaient pour se nourrir. Ensuite, ils auraient résisté aux envahisseurs.
- Un plat "tendance" -
Actuellement, le cassoulet est le plat cuisiné le plus consommé de France derrière les raviolis, selon M. Malé.
"L'agroalimentaire français produit 85.000 tonnes, dont 22.000 pour le haut de gamme", explique M. Malé, déplorant que le bas de gamme provienne "quasiment exclusivement de Bretagne". Castelnaudary représente "90% du haut de gamme".
Pour tous, le développement du cassoulet ne peut se faire qu'à l'étranger. "Notre capacité d'exportation est faible", tempère M. Malé "car les pays ont tous des plats à base de haricots".
Pour faire connaître le plat dans le monde, l'Académie et la Confrérie s'appuient sur des ambassadeurs, des restaurants et des dégustations. A Québec, en Belgique, en Grande-Bretagne ou au Japon, les gastronomes adorent.
Aux États-Unis, il y a déjà une journée nationale du cassoulet (9 janvier) et le "ragoût de canard et de haricots" devient tendance. Ses qualités ont été vantées par le New York Times dont la ville abrite une trentaine de restaurants qui en servent. A Chicago et Houston, la mode prend aussi.
Ariane Daguin, fille du chef étoilé André Daguin, n'importe que le haricot tarbais pour sa société de distribution d'Artagnan. "Je défends ma culture", souligne cette ambassadrice "chauvine".
En septembre, elle a organisé la première "guerre du cassoulet" avec 25 chefs new yorkais. Le Toulousain Pierre Landet (restaurant Félix) a remporté la catégorie authentique, Michael Faure (O'Cabanon) le cassoulet revisité (une terrine) et... le chef J.J Johnson (The Cecil) le prix du public.
"C'est mon devoir de montrer ce qu'est la tradition française", souligne à l'AFP Pierre Landet. Il critique le succès de son confrère de Harlem: sa recette est "trop jamaïcaine" avec des "haricots noirs et rouges et de la saucisse au gingembre"... "De la soul food" (cuisine afro-américaine), admet Mme Daguin.
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