Aux côtés de treize femmes de toutes nationalités, Mme Ibn Ziaten était la seule Française a recevoir mardi à Washington le prix de "femme courageuse" après quatre années passées à sillonner son pays pour promouvoir le vivre-ensemble.
Celle qui avait juré "Plus jamais Merah!" en fondant son association en avril 2012, est forcée de reconnaître qu'"avec ce qui ce passe aujourd'hui malheureusement, il y a un travail énorme à faire".
"Il ne faut pas céder à la peur, si on a peur on n'avancera pas, c'est ça que veulent les terroristes, quand on aura peur, eux ils gagneront du terrain", a-t-elle déclaré dans un entretien à l'AFP, dans la capitale fédérale après avoir reçu son prix.
Sa réponse aux attentats qui ont touché la France en janvier puis en novembre 2015 est la même qu'après la mort de son fils: le dialogue et la compassion.
"Il faut ouvrir les cités, ces ghettos, il faut promouvoir la mixité dans les établissements scolaires, l'égalité des chances, il faut écouter les jeunes quand ils parlent. (...) Certains jeunes, quand ils disent +la République nous a oubliés+, c'est quand même qu'il y a un malaise", a-t-elle relevé.
Latifa Ibn Ziaten témoigne dans les écoles et les prisons et anime une association qui porte le nom de son fils, Imad Ibn Ziaten, soldat abattu le 11 mars 2012 par Mohamed Merah.
Peu après, le jihadiste tuait deux autres militaires et quatre personnes, dont trois enfants dans une école juive de Toulouse, plongeant la France dans l'effroi.
- 'J'ai pardonné' -
"J'ai dissuadé trois jeunes de partir en Syrie, je travaille avec des jeunes filles qui sont converties, je travaille avec beaucoup de parents qui sont en difficulté", a énuméré cette mère d'origine marocaine récemment décorée de la Légion d'honneur.
Au rang de ses actions, Mme Ibn Ziaten a accompagné une quinzaine d'adolescents du département du Val-d'Oise dans un voyage en Israël et dans les Territoires palestiniens pour en faire des "ambassadeurs de paix".
A Garges-les-Gonesse, près de Paris, elle a ouvert en février un centre pour être à l'écoute des jeunes et de leurs parents afin de "prévenir le plus tôt possible" les signes de radicalisation.
"Aujourd'hui certains parents disent +on n'a pas fait attention, on n'a pas remarqué+", a-t-elle déploré, en évoquant ses conversations pour les aider à devenir "méfiants" face à ces signes.
"Un enfant, s'il vit seul, livré à lui-même, voilà le résultat", a-t-elle appuyé, en faisant référence au tueur de son fils, Mohamed Merah.
Et de poursuivre: "C'est pour ça que j'ai pardonné à Mohamed Merah, quand j'ai suivi son parcours et quand j'ai vu qu'il avait grandi dans le vide, qu'il avait manqué d'amour, de tendresse, qu'il avait connu la souffrance, la prison, la drogue, ça l'a fabriqué et il est devenu un monstre".
"J'ai pardonné ce qu'il était, mais pas ce qu'il a fait", a-t-elle insisté.
- 'Tendre la main' -
Latifa Ibn Ziaten a trouvé cette détermination à agir sur les lieux de son drame.
En 2012, elle se rend dans le quartier de Mohamed Merah, abattu par la police quelques jours après ses crimes, avec en tête ces questions: "Qui était-il? Pourquoi autant de haine?".
Elle tombe sur un groupe de jeunes qui parlent du jihadiste comme d'"+un héros, un martyr".
"C'est comme s'ils avaient tué (mon fils) une deuxième fois", se souvient-elle. "Je me suis dit +eux, ils sont la cause de ma souffrance, mais je dois tendre la main pour les aider+".
Latifa Ibn Ziaten assure que la reconnaissance de son travail outre-Atlantique lui donne "plus de force". Comme d'autres lauréates du prix "Women of Courage", elle s'apprête à parcourir les Etats-Unis pour échanger avec des familles américaines.
Interrogée sur le discours anti-musulmans de plusieurs candidats à la présidentielle américaine, elle répond: "On ne peut pas amener la religion dans la citoyenneté. Quand on est citoyen, la religion c'est quelque chose de personnel".
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