"J'ai décidé, après m'être entretenu avec les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, de clore le débat constitutionnel", a solennellement annoncé le chef de l'Etat mercredi depuis l'Elysée au cours d'une déclaration de cinq minutes.
Quatre mois après avoir été applaudi par la quasi totalité des parlementaires à Versailles, le chef de l'Etat "constate aujourd'hui que l'Assemblée nationale et le Sénat ne sont pas parvenus à se mettre d'accord et qu'un compromis paraît même hors d'atteinte sur la définition de la déchéance de nationalité pour les terroristes".
"Je constate aussi qu'une partie de l'opposition est hostile à toute révision constitutionnelle, qu'elle porte sur l'état d'urgence ou même sur l'indépendance de la magistrature. Je déplore profondément cette attitude. Car nous devons tout faire dans les circonstances que nous connaissons, et qui sont graves, pour éviter les divisions et écarter les surenchères", a fustigé M. Hollande. Il n'a pas fait mention du débat qui a déchiré la gauche et entraîné la démission de Christiane Taubira.
La semaine dernière, les sénateurs avaient réservé l'extension de la déchéance de nationalité aux seuls binationaux, arguant ne pas vouloir créer d'apatrides, là où l'Assemblée l'avait théoriquement étendue à tous les Français afin de ne pas créer de discriminations.
Le texte de l'Assemblée avait recueilli le vote de plus de 3/5e des députés, celui du Sénat, à majorité de droite, a été adopté à la majorité simple.
Ce projet de réforme, qui comprend également la constitutionnalisation de l'état d'urgence déclenché le soir des attentats du 13 novembre, devait être adopté dans les mêmes termes par les deux chambres pour permettre la réunion du Congrès. Or François Hollande avait lui-même exprimé sa réticence quant à une navette trop longue entre les deux chambres, arguant que "les Français (voulaient) que ça se termine".
- Les 'excuses' de Cambadélis -
Régissant immédiatement à l'allocution présidentielle, le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a présenté les "excuses" de la majorité aux Français "qui ne peuvent qu'être consternés par ce triste spectacle". Chez les Républicains, l'ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a évoqué un "camouflet" pour François Hollande.
Pour Marine Le Pen, présidente du FN, le chef de l'Etat est "seul responsable" de cet "échec historique".
Devant la polémique, François Hollande avait annoncé le 31 décembre s'en remettre au Parlement. L'Assemblée nationale avait alors trouvé un point de consensus sur la déchéance dite "pour tous".
Mais la droite sénatoriale, refusant catégoriquement de permettre la création d'apatrides pour les terroristes exclusivement Français, est revenue en arrière, disant se référer au discours de Versailles du chef de l'Etat.
Ironie de l'histoire, la version du Sénat a été adoptée juste après l'arrestation à Bruxelles de Salah Abdeslam, seul survivant du commando auteur des attaques du 13 novembre. Français de nationalité, Abdeslam n'était donc théoriquement pas concerné par la mesure telle qu'adoptée par le Sénat.
Cette formule sénatoriale avait notamment été critiquée par le président de l'UDI (centristes), Jean-Christophe Lagarde. "Je ne vois pas pourquoi on ferait un privilège à Salah Abdeslam", a-t-il réagi mercredi.
Mercredi matin, Nicolas Sarkozy, favorable à la déchéance de nationalité pour les binationaux, avait demandé François Hollande à ne pas "créer d'apatrides". L'ancien président semblait alors se ranger à la position du Sénat après avoir exhorté ses troupes à l'Assemblée à adopter la "déchéance pour tous". Le président du Sénat, Gérard Larcher, tout comme celui du groupe LR, Bruno Retailleau, sont des soutiens affichés de François Fillon pour 2017.
L'abandon du processus constitutionnel hypothèque par ailleurs le sort du projet de loi de réforme du Conseil supérieur de la magistrature adopté mercredi matin en Commission par l'Assemblée et dont François Hollande avait envisagé l'adjonction à la réforme constitutionnelle annoncée en novembre.
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