Le président du directoire du premier groupe automobile français a reçu un salaire de 5,24 millions d'euros en 2015, selon le document de référence de l'entreprise publié vendredi. En 2014, sa rémunération s'était établie à 2,75 millions d'euros.
Cette forte progression est principalement due à l'accroissement de la "part variable" du salaire basée sur l'évolution des résultats. Or, PSA a connu une excellente année 2015, bouclant même en avance son plan de reconstruction censé s'étaler jusqu'en 2017.
La société a dégagé l'année dernière un bénéfice, pour la première fois depuis 2010, de 1,2 milliard d'euros. La rentabilité a elle aussi fait un bond: la marge opérationnelle de la division automobile a atteint 5%, au plus haut depuis 2002, et il suffit désormais à PSA de 1,6 million de véhicules pour couvrir ses frais fixes, contre 2,6 millions en 2013.
Un net contraste avec la situation de quasi-faillite que M. Tavares, transfuge de Renault, avait trouvée début 2014 quand il avait pris les rênes de ce fleuron industriel français. Il avait lancé un plan de retour aux bénéfices qui était notamment passé par des efforts demandés aux salariés.
A court terme, PSA n'avait dû son salut qu'à l'intervention de l'Etat français et du Chinois Dongfeng, tous deux entrés au capital à hauteur de 14%.
Or, les représentants de l'Etat au conseil d'administration ont voté contre la hausse de la rémunération de M. Tavares, a indiqué mardi le ministre des Finances Michel Sapin, la qualifiant de "dommageable".
"Si nous étions dans une entreprise où l'Etat a 30%, ou 40%, ou 50%" de participation, "ça aurait bloqué", a ajouté le ministre sur France Inter, en regrettant que les autres actionnaires n'aient pas adopté une position similaire.
- Débat récurrent -
De son côté, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a parlé de rémunération "pas légitime", relevant sur BFMTV que "PSA se redresse, tant mieux, évidemment en partie grâce à ses dirigeants, mais c'est aussi grandement grâce aux efforts des salariés et à la richesse créée par les salariés".
Le porte-parole d'Europe Écologie-Les Verts (EELV), Julien Bayou, a pour sa part jugé ce salaire "indécent". "Je ne comprends pas qu'on n'en soit pas encore à limiter ces rémunérations alors que l'Etat est actionnaire", a-t-il déclaré sur iTELE.
Le patronat est venu à la rescousse de M. Tavares. "Il faut féliciter Carlos Tavares du redressement exceptionnel qu'il a fait de PSA", a déclaré Pierre Gattaz, patron du Medef, sur France Info: "quand il y a de la réussite, ça ne me choque pas qu'on récompense la réussite".
Et le président du conseil de surveillance de PSA, Louis Gallois, a jugé que la rémunération de M. Tavares n'était "pas disproportionnée du tout" par rapport à celles d'autres constructeurs automobiles français et du CAC 40.
Le redressement de PSA "beaucoup plus rapide qu'escompté", "est quand même dû largement à l'action de Carlos Tavares et il est tout à fait normal que sa rémunération en bénéficie", a ajouté M. Gallois dans un entretien à l'AFP.
La rémunération des patrons français constitue un sujet de polémique récurrent. Le gouvernement, après avoir plafonné en 2012 la compensation des dirigeants d'entreprises publiques à 450.000 euros par an, s'est déjà prononcé ces dernières années contre les rémunérations jugées excessives des patrons de plusieurs grands groupes dont il est actionnaire, dont Renault, Safran et Thales.
L'Etat a ainsi voté en 2015 contre la rémunération du PDG de Renault, Carlos Ghosn, qui s'était alors élevée à 7,22 millions d'euros. En assemblée générale, elle n'avait été approuvée que par 58,33% des voix, un résultat significatif et serré, alors que la plupart des résolutions obtiennent des scores supérieurs à 90%.
Le prédécesseur de M. Tavares chez PSA, Philippe Varin, avait de son côté dû renoncer en 2013 à une retraite chapeau de 21 millions d'euros après une avalanche de critiques.
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