Lundi, l'Ordre des avocats du Brésil (OAB) déposera une nouvelle demande de destitution à l'encontre de la dirigeante de gauche, accusée d'avoir maquillé les comptes publics et d'être impliquée dans le tentaculaire scandale Petrobras.
Mais c'est surtout mardi à Brasilia que son avenir pourrait se sceller: la direction nationale du PMDB, incontournable allié centriste de la coalition chancelante autour du Parti des travailleurs (PT) de Mme Roussef, devrait officialiser sa rupture avec le gouvernement, hypothéquant un peu plus ses chances de rester au pouvoir.
Première force parlementaire du pays avec 69 députés, le PMDB est dirigé par le vice-président de la République Michel Temer, 75 ans, qui assumerait le pouvoir jusqu'aux élections générales de 2018 en cas de destitution de Mme Rousseff.
Cet homme d'appareil discret n'a jamais défendu la présidente ces dernières semaines, quand la crise qui ébranle le géant émergent d'Amérique latine s'est brutalement embrasée.
Il a préféré s'entretenir la semaine dernière avec le chef de l'opposition Aecio Neves pour évoquer l'avenir du pays, en pleine récession économique et dans une crise politique historique empoisonnée par le mégascandale de corruption Petrobras.
Depuis début mars, des millions de Brésiliens, essentiellement de la classe moyenne blanche des mégapoles du Sud-Est industriel, ont défilé pour réclamer le départ de Mme Rousseff, entraînant des contre-manifestations moins nombreuses de la gauche.
- Lobbying en coulisses -
Désemparée, Mme Rousseff a nommé son mentor et prédécesseur Luiz Inacio Lula da Silva chef de cabinet (quasi-Premier ministre) pour qu'il l'aide à sauver son mandat, alors que pèsent sur lui des soupçons de corruption dans l'enquête Petrobras et la menace d'un placement en détention.
Cette nomination controversée a été paralysée par un juge du Tribunal suprême fédéral (STF) suspectant une possible entrave à la justice. Une décision définitive du STF est attendue cette semaine.
La nomination a déchaîné l'incendie embrasant le Brésil, provoquant de nouvelles manifestations anti-Rousseff sur fond de bras de fer entre l'exécutif et le pouvoir judiciaire.
Ces rebondissements semblent avoir convaincu de nombreux députés de la majorité d'abandonner le navire présidentiel.
La direction du PMDB pourrait voter mardi à 80% la rupture avec le gouvernement, selon le quotidien O Globo (opposition).
Sa puissante fédération de Rio de Janeiro (sud-est) a déjà abandonné vendredi la présidente, qu'elle soutenait jusqu'à présent. D'autres partis de la coalition pourraient emboîter rapidement le pas du PMDB, notamment le PP (49 députés).
La discipline parlementaire étant très fragile au Brésil, les deux camps exercent un lobbying forcené en coulisses, député par député.
- "Coup d'Etat institutionnel"? -
L'opposition devra obtenir deux tiers des votes des députés (342 sur 513) pour que soit prononcée la mise en accusation de la présidente devant le Sénat, faute de quoi la procédure serait enterrée. Ce vote devrait intervenir mi-avril, selon les états-majors politiques.
Mme Rousseff est accusée d'avoir maquillé les comptes de l'Etat en 2014, année de sa réélection, et en 2015 pour minimiser l'ampleur des déficits publics, commettant ainsi, selon l'opposition, un "crime de responsabilité" prévu par la Constitution.
De plus en plus esseulée, elle a pris à témoin des juristes brésiliens et la presse internationale la semaine dernière, dénonçant une tentative de "coup d'Etat" institutionnel soutenue par les groupes de médias brésiliens dominants et des juges politisés.
"Pour qu'il y ait +impeachment+ il faut qu'il y ait crime de responsabilité. On me reproche des pratiques budgétaires auxquelles, jusqu'à mon premier mandat, tous les présidents ont eu recours. Une procédure de destitution sans base légale constitue un coup d'Etat institutionnel", a-t-elle martelé.
Plusieurs juges du Tribunal suprême ont répondu ces derniers jours que cette procédure est en soi "légale", "à condition qu'elle respecte scrupuleusement la Constitution".
En cas de procès de destitution de Mme Rousseff devant le Sénat, les débats seraient dirigés par le président du STF, plus haute juridiction du pays.
Le PT au pouvoir depuis 13 ans et sa mouvance syndicale appellent la gauche à manifester massivement jeudi "en défense de la démocratie".
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