Dans la cour d'une modeste demeure de l'arrondissement populaire d'Iztapalapa, une quarantaine de personnes sont réunies. La dernière répétition se termine avant la Semaine Sainte.
"Que tout se passe bien et avec la bénédiction de Dieu", conclut le président du comité de la semaine sainte, Miguel Angel Morales Larrauri. Une dernière prière, main dans la main, et chacun rentre chez soi.
"L'élu" pour cette 173ème édition ne semble pas nerveux à l'idée de représenter Jésus en ce Vendredi Saint dans les rues d'Iztapalapa, une des nombreuses localités d'Amérique Latine qui reconstitue chaque année la mort et la résurrection du Christ en crucifiant un jeune homme.
Pourtant, le théâtre n'est pas une activité habituelle pour Ariel Rodrigo Luna Estrella. Originaire d'Iztapalapa, il travaille dans une usine de sacs à dos et sacs à main et joue dans une équipe de foot, en espérant pouvoir devenir professionnel.
Après la prière commune, il entre dans la demeure, connue comme la "maison des répétitions" depuis 73 ans, et il s'assied sur le canapé. Les yeux rougis par la fatigue, il parle avec calme et assurance, "j'ai voulu avoir ce rôle pour vivre ce que Jésus a vécu, pour réincarner sa souffrance".
Après avoir effectué toute une série d'examens médicaux, physiques et répondu aux diverses questions, comme les 16 autres candidats, tous originaires d'Iztapalapa, Ariel a été choisi en janvier dernier par le comité avec 21 votes en sa faveur.
Depuis il reçoit une préparation spirituelle, mentale et physique jusqu'à l'aboutissement finale de cette expérience devant une foule et des légionnaires qui l'escorteront jusqu'au lieu de la crucifixion. Il sera la star parmi 5.000 acteurs.
Le soutien du prêtre, l'apprentissage des dialogues, de leurs messages, mais aussi les exercices réguliers environ cinq heures par jour, sont des passages obligés pour que ce jeune puisse assumer son rôle.
Car se mettre dans la peau de Jésus le jour de sa mort est particulièrement éprouvant.
- Hommage à un frère décédé -
"Pour renforcer mes muscles, j'ai tiré une croix de 90 kilos, similaire à celle de la procession, sur le chemin de croix de deux kilomètres. Mais c'est aussi une préparation mentale parce que les coups sont réels, ce sont des branches et des bâtons, c'est douloureux", affirme-t-il.
Aucune marque de regret n'est décelable dans sa voix. "Je me sens prêt", dit-il.
La passion du Christ d'Iztapalapa se célèbre depuis 1843. Alors que quelques années auparavant, une forte épidémie de choléra avait touché le pays et que les cas diminuaient petit-à-petit, "les habitants d'Iztapalapa ont promis la faire tous les ans, pour remercier Dieu de ce miracle", explique Luis Alberto Guzman, membre du comité.
Pour Ariel, incarner Jésus est bien plus qu'un simple rôle, "je garderai chaque jour en moi le sens que cette expérience prend dans ma vie", dit-il solennellement.
S'il est ici aujourd'hui c'est aussi pour son frère, décédé dans un accident en décembre 2014. "Il voulait que je me présente pour ce rôle", raconte-il. Trop jeune l'année précédente, il a joué un garde romain. Mais une fois majeur, il n'a pas hésité.
Par la fenêtre, on distingue l'imposante croix de répétition fixée au mur. Peinte d'un bleu turquoise et surmonté d'un léger éclairage, elle donne un air mystique à la petite cour.
Aux deux extrémités de la barre horizontale sont fixées des accroches métalliques, pour permettre à "Jésus Christ" de se soutenir lors de la crucifixion, qui se fait sans clous.
Depuis qu'il a été choisi par le comité, son frère est avec lui spirituellement, il le sent, assure-t-il. "C'est mon Simon de Cyrene, il va m'aider spirituellement à porter la croix", conclut-il en référence à ce personnage biblique.
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